3. No Mistrals for Putin », l’embrasement
3.1. Pressions sur le corps diplomatique français et information de l’opinion publique
3.2. Une diplomatie française sourde, muette et aveugle: le cas de Kiev
3.3. Un Ministère de l’Intérieur qui joue avec le feu en instrumentalisant le FN
3.4. Vigie citoyenne
3.1. Pressions sur le corps diplomatique français et information de l’opinion publique

Suite aux sept premières manifestations internationales du 1er juin 2014, le collectif « No Mistrals for Putin » ouvre une page Facebook, qui sera suivie par des milliers de citoyens du monde entier. A compter de cette date et jusqu’en novembre 2014, des dizaines de manifestations ont lieu un peu partout dans le monde, de l’Amérique du Nord à la Géorgie en passant par différentes capitales européennes et par la Turquie. Pour le seul 14 juillet 2014, 22 manifestations se déroulent dans 14 pays différents (Paris, Kyiv, Dublin, Toronto, Ottawa, Montréal, Tbilissi, Washington DC, New York City, Prague, Bratislava, Vienne, Valencia, Madrid, Amsterdam, Ankara, Antalaya, Londres, Lviv, San Francisco, Varsovie…). La plus spectaculaire est certainement celle tenue à Kiev, autour de la réception du 14 juillet 2014, organisée par Alain Rémy, Ambassadeur de France en Ukraine.
3.2. Une diplomatie française sourde, muette et aveugle: le cas de Kiev
La protestation de Kiev, le jour de la Fête Nationale française est annoncée au « Vyche » (assemblée dominicale du Maïdan), dans la presse, à la radio et à la télévision ukrainienne, par le comité Mistral local.
Chacun, qu’il approuve ou désapprouve la révolution ukrainienne, mesure bien que se déroule, au pays de Taras Chevtchenko, une période cruciale dans laquelle la France a besoin d’agir avec clairvoyance et discernement. Une des premières sources d’information de notre diplomatie émane des ambassades. On en évalue bien l’état de délabrement et d’incompétence lorsque l’on apprend l’aveu d’ignorance de l’Ambassadeur de la France en Ukraine pour une manifestation aussi largement annoncée et qui le concerne au premier chef. Au lieu d’exercer sa veille, il pointe et re-pointe la liste des invités. Il vérifie que rien ne manque sur la proposition du traiteur, « Best Events Catering » sans réaliser qu’il est parfaitement odieux d’organiser une réception VIP pour hommes d’affaires repus escortés de jeunes femmes, à quelques centaines de mètres du parc Marinsky, de la place Maïdan, de la maison des syndicats, de la rue de l’Institut et de la rue Hroushevski où tant de personnes ont été frappées, blessées, brûlées et sont mortes quelques mois auparavant, pour les idéaux que partageaient les hommes et les femmes qui ont pris la Bastille lors du 14 juillet 1789.
Pour le même budget, pourquoi l’ambassadeur du pays de Voltaire et de Rousseau n-a-t-il pas décidé de faire un événement populaire, ouvert à tous, comme nous le pratiquons dans notre France? « Hanba (ганьба), hanba »! Honte pour les Mistral! Honte pour cette mascarade! C’est bien ce que crie la vraie et magnifique jeunesse de Kiev, ses parents, ses babouchkas et ses diedouchkas. Un ecclésiastique écœuré par cette immoralité fait demi-tour sous les applaudissements de la foule. Alain Rémy se contente de rendre compte à son autorité, qu’il a été perturbé par une manifestation, non autorisée, de hooligans et refuse de recevoir la protestation écrite qui lui sera remise, finalement, le 22 juillet. Afin de dissiper tout malentendu, le Comité Mistral de Kiev envoie un courrier recommandé, à Laurent Fabius, Ministre des Affaires Etrangères de la France, indiquant que la manifestation a été autorisée par les services de police Il précise la date et l’heure d’inscription. Il y ajoute les motifs du rassemblement et une menace de boycott.
Manifestation de kiev devant et derrière la réception de l’ambassadeur, 14 juillet 2014
Quelques jours plus tard, fin juillet 2014, Alain Rémy, répond à un auditoire d’étudiants ukrainiens en restituant les seuls « éléments de langage » élyséens. Il n’y manifeste aucune compréhension des inquiétudes légitimes ni aucune empathie. Voici un singulier raccourci de la politique extérieure de la France et de la façon dont le Ministère des Affaires Etrangères traite ce qui devient le scandale international Mistral. Alain Rémy bénéficie d’un point d’observation remarquable mais il ne voit pas qu’à compter du 14 juillet 2014 l’affaire Mistral sort véritablement du cadre franco-russe et bascule dans le domaine public international : « Bastille Day marked by worldwide protests against France’s Mistral deal with Russia ». Si cet ambassadeur (NDR: depuis lors muté au Congo), comme bien d’autres, faisait son travail, il pourrait contribuer à éviter le parjure que prononcera François Hollande, le 22 juillet 2014 (§ 5.1).
3.3. Un Ministère de l’Intérieur qui joue avec le feu en instrumentalisant le FN
Pendant ce temps, « No Mistrals for Putin » planifie une douzaine de nouvelles actions citoyennes devant les ministères des affaires étrangères des pays occidentaux pour les pousser à s’engager résolument contre le contrat Mistral.
Parallèlement, une nouvelle protestation à St Nazaire, la quatrième, devant les BPC, et l’unique, devant les 550 marins russes, qui se trouvent dans le Smolniy est préparée pour le 7 septembre 2014. Malgré une demande bien postérieure à celle de « No Mistrals for Putin », le Sous-préfet, Emmanuel Bordeau, décide d’autoriser la manifestation du Front National et des partisans de Novorossia en la plaçant devant l’enclos russe afin d’en interdire, au nom de l’ordre public, les approches aux militants anti-livraisons. Il faut une lettre ouverte et l’affirmation qu’une délégation de « No Mistrals for Putin », hors manifestation, fera une déclaration aux télévisions, qui ont manifesté leur soutien, devant le Smolniy, pour que le Sous-préfet après des semaines d’atermoiements et plusieurs jours de concertation avec le Ministère de l’Intérieur revienne sur son montage pour le moins malsain et machiavélique.
En attendant, « No Mistrals for Putin » lance une campagne de selfies, appuyée par Twitter. Elle permet d’élargir encore l’audience du collectif qui poste sur sa page des articles explicatifs, des articles de fond, des images de ses mobilisations ou des réponses aux arguments pro livraison. Il accueille des journalistes de la presse radio et TV française ou internationale à St Nazaire. De même, il ouvre un site web afin d’accroître sa diffusion hors réseaux sociaux, où sont présentées ses analyses inédites contrecarrant le black-out gouvernemental, démentant la propagande massive du Kremlin, proposant des solutions alternatives originales ou plus classiques. Il publie aussi des reportages, réalisés sur le terrain à St Nazaire, illustrés de photos qui présentent les mouvements du Vladivostok et des équipages russes.
3.4. Vigie citoyenne
En un peu plus d’un mois, « No Mistrals for Putin » devient une référence que les médias internationaux et locaux scrutent attentivement. A partir de septembre 2014, l’action de « No Mistrals for Putin » se concentre sur son site internet. Il est, notamment, le premier à annoncer, le 14 novembre 2014, grace à la vigilance de Yuriy Tyukhnin, le passage sous pavillon russe du Vladivostok dans le système international de géo-localisation maritime.

L’article très largement repris et cité se répand comme une traîné de poudre. Le pavillon russe est brutalement désactivé et le porte-parole du quai d’Orsay se lance dans une explication embarrassée. On ne connaîtra jamais le fin mot de cette histoire. Quoi qu’il en soit, le même jour, les marins russes, qui commencent à transférer leurs effets personnels du Smolniy au Vladivostok s’en voient refuser l’accès. Les autorités françaises craignent une prise de possession du navire, voire une évasion.
Le 25 novembre 2014 il est découvert que des disques durs et une console de suivi installés par Thalès ont été dérobés sur le Vladivostok. Publiquement, on minimise, on parle de « matériel informatique », une sorte de vol à l’étalage dans un super-marché. En réalité, la France s’est probablement fait dérober le coeur du système SENIT-9 (voir § 1.2.), son logiciel et ses données. Prise d’autant plus intéressante que les militaires russes, s’ils en sont les auteurs, ont été formés à son utilisation.
11 commentaires sur « Qu’est-ce que nous a appris, sur la France, l’affaire des Mistral? »