Comme la majorité du monde arabe, la Tunisie est silencieuse sur le drame d’Alep. La société civile tunisienne, qui a montré à quel point elle savait se mobiliser, est absolument passive à l’exception d’une banderole, « Save Aleppo », quelquefois exhibée sur l’Avenue Bourguiba de la capitale. La justification invoquée est généralement celle-ci: « Les Salafistes ont fait beaucoup de mal. Nous ne pouvons pas prendre position pour Alep car nous passerions pour des Salafistes ». Lire la suite « A mes amis tunisiens: après Alep, Tunis? »
Tchaïka, travaux nécessaires et contraintes rencontrées avant une remise à l’eau
English Summary (Article en français, ci-dessous)
According to Taras Beniakh, 70% of the reconstruction work was carried out between the middle of June 2016 and the end of July 2016. The 30% last part should be performed on March 2017 if the team can obtain the mandatory visas from the French Embassy in Kyiv, which is hardly eager, even reluctant, to do so, despite the encouraging tweet posted on August, 4, 2016. It should be added that 60 000 Grivnas (or 2 100 Euros) are required to cover the last costs. The main part of theses expenditures concerns the cost of the crane to put back the chaïka on to the water. Gifts can be done, here (in Ukrainian): https://biggggidea.com/p…/kozatska-chajka-presvyata-pokrova/
If the last issues are lifted, then the Cossacks reconstruction work can be completed during the spring of 2017, so that the tchaika « Presviata Pokrova » will be able to sail off shore during next summer and to attend maritime festivals in Ireland, one of the only two countries (the other one being Estonia), which she did not already visit as of today. Ukraine friends from Ireland, can you please share this information to Irish sailors aware of the maritime festivals schedule in their country next summer? Any information is welcome.
Quelques confidences de la tchaïka Presvyata Pokrova
En cet été 2016, à Palette-Aven, l’Otaman, c’est Taras. Il est épaulé par le savoir-faire de Myron Humenetskyy et par une équipe de jeunes volontaires ukrainiens. Au cours d’un rare instant de repos qu’ils s’autorisent, en face d’une tasse de café, à tour de rôle, Myron et Taras racontent ce qu’ont été et ce que continuent à représenter, pour eux, les expéditions de Presviata Pokrova. Leurs navigations le long de nos côtes et leur attrait pour notre langue ont fait qu’ils s’expriment parfaitement en français. Leurs discours sont si voisins que les paroles de l’un peuvent être attribuées à l’autre.
Lire la suite « Quelques confidences de la tchaïka Presvyata Pokrova »Quand un Français du XVIIe siècle nous parle de la tchaïka cosaque
* Les astérisques renvoient au glossaire en fin d’article
Українською мовою
On dispose de peu d’éléments d’informations sur les tchaïkas, navires des Cosaques zaporogues du XVème au XVIIème siècle. Il est assez intéressant d’observer que nous devons ces renseignements à un ingénieur français, Guillaume Le Vasseur de Beauplan, qui fut au service du roi de Pologne entre 1630 et 1647. Dans sa » Description d’Ukranie, qui sont plusieurs provinces du Royaume de Pologne« .Contenues depuis les confins de la Moscovie, jusques aux limites de la Transilvanie. » Il en fait une présentation fort précieuse.
« Quand ils (les Cosaques) ont dessein d’aller en mer… ils s’acheminent à leur Sczabenisza Worskowa (quartier général dans la Sitch, leur forteresse située sur une île en aval des chutes du Dnipro) qui est leur rendez-vous.
Lire la suite « Quand un Français du XVIIe siècle nous parle de la tchaïka cosaque »Burkini et société arabo-musulmane traditionnelle
Burkini, le délire occidental
Comme conséquences d’un certain nombre d’arrêtés municipaux faisant suite à l’attentat de Nice et à des heurts sur une plage corse, chacun y est allé de son post sur le burkini. Ceux qui ne voulaient pas en parler… se sont quand même exprimés en disant que c’était un sujet ridicule. Certains journalistes peu courageux, plutôt que de s’engager ont souhaité, malgré tout, surfer sur ce thème largement médiatisé pour grappiller, eux aussi, un peu d’audience. Alors, ils ont collecté, dans la presse anglo-saxonne, tout ce qui tournait la France en dérision sur cette affaire. D’autres font de l’humour à « trois francs six sous », refusant de s’interroger sur une question de société, se prétendant au-dessus de la mêlée, mais ne renonçant pas à exploiter le bon filon. Pourtant, il doit bien exister des opinions autres que françaises qui contredisent cette « volée de bois vert »? On doit pouvoir trouver quelque part des tentatives d’explication? Le monde entier n’a jamais été unanime. Le monde entier ne se complait pas seulement dans le « French bashing ».
Lire la suite « Burkini et société arabo-musulmane traditionnelle »
Tchaïka, la diplomatie fraternelle des Cosaques en Bretagne
Article rédigé par Bernard Grua pour Ukraine Crisis Media Center (UCMC)
L’Ukraine est aujourd’hui victime d’un conflit oublié. Les épreuves qu’elle traverse se noient dans les infortunes qui frappent certaines parties du monde et les aléas de la vie quotidienne, auxquels chacun est confronté. C’est pourquoi l’Ukraine doit se faire connaître. Pour y arriver, elle a besoin d’espoirs, de victoires pacifiques et d’amis. Gagner les cœurs et le respect, c’est bien ce qu’ont réussi à faire, dans une petite ville bretonne, les bénévoles de l’association « Tovarystvo Kish » venus de Lviv.
Lire la suite « Tchaïka, la diplomatie fraternelle des Cosaques en Bretagne »Société civile de France, réponse à son Excellence Oleg Shamshur
A: Son Excellence Oleg Shamshur, Ambassadeur d’Ukraine à Paris
Monsieur l’Ambassadeur,
Nous avons pris connaissance de votre article « Réflexions sur la myopie politique ». Nous allons tenter d’y apporter un éclairage de citoyens français.
Nous partageons votre perception du problème. Nous trouvons même, que certains de vos propos sont presque trop pondérés: « les chansons douces des sirènes russes trouvent facilement des oreilles compatissantes dans les milieux politiques français ». Il ne faut pas avoir peur des mots. Nous savons tous que, pour nombre de ces « oreilles », il s’agit d’espèces sonnantes et trébuchantes ainsi que d’autres intérêts presque moins avouables. La compétition est féroce pour s’attirer les faveurs du Kremlin. En ce moment, notre classe politique est comme une meute qui s’excite en sentant venir la fin de la partie. Pour le Président Hollande et pour son gouvernement, c’est l’hallali. La perspective de la lutte pour les présidentielles et les législatives de 2017 voit la cause ukrainienne devenir une arme politique contre ceux que l’on veut remplacer demain. « Une profonde déception pour moi tout d’abord en tant que citoyen de l’Ukraine ». Si nous pensons, que vous avez raison de vous placer sur le plan moral, nous considérons, néanmoins, que votre approche est insuffisante et, pardonnez-nous, quasi-défaitiste.
Certes, la détresse de l’Ukraine est réelle. Mais peut-elle émouvoir les Français plus que les milliers de noyés de la Méditerranée, que les civils bombardés en Syrie, que les milliers de victimes de Boko Haram, que les millions de morts des conflits de l’Afrique équatoriale? Que fait la France au sujet de toutes ces victimes? Pourquoi l’Ukraine pourrait-elle attendre plus que ne reçoivent ces malheureux?
De leur côté, si désireux d’appeler la compassion à leur égard, les Ukrainiens manifestent-ils de façon déterminée cette compassion pour les autres victimes du chaos mondial? Appuyée par la victoire de Jamala à l’Eurovision, l’Ukraine s’émeut du sort des Tatars de Crimée pour mieux revendiquer son intégrité territoriale. Ce n’est que justice, voir à ce titre l’article d’Informnapalm: « « Krim Nach: La Crimée est à nous! » ou pour rétablir la vérité historique ». Mais que fait l’ancienne « Eglise du silence », l’Eglise grecque-catholique notamment, à l’égard des Chrétiens du Levant, aujourd’hui victimes de persécutions ethnocidaires, qui les balaieront de cette région du monde, la première évangélisée? Pourquoi les Ukrainiens voient-ils souvent les atrocités syriennes comme une concurrence, plutôt que de fusionner leurs revendications légitimes à la face du monde? Pourquoi ne pas approfondir des actions communes comme cela s’est déjà fait en octobre 2015?
Soutenir l’Ukraine, dans son effort de guerre, a un coût élevé. Il se compte en milliards d’Euros prêtés, par l’UE. Les sommes ne seront probablement pas toutes remboursées. Les sanctions ont un coût, elles aussi. Le soutien existe donc. Il est plus important que pour de nombreux pays en grande difficulté. On rappellera aussi l’annulation du contrat Mistral qui a coûté plusieurs centaines de millions d’Euros. La France est le pays qui a payé le plus cher, à ce jour, pour préserver l’Ukraine.
Nous pouvons comprendre les Ukrainiens dont beaucoup de familles luttent au quotidien pour tenter de conserver une vie décente à leurs proches. Nous pouvons comprendre leur indignation sélective. Mais, l’indignation n’est pas une tactique et encore moins une stratégie. Aujourd’hui, dans ce monde pragmatique et pressé de vivre, mettre régulièrement, en avant, l’argument des « fils morts pour l’Ukraine » ne va, hélas, bientôt plus faire d’effet. Il faut aussi avoir des arguments d’un autre ordre. Monsieur l’Ambassadeur, vous et votre peuple risquez de vous enfermer dans la souffrance et l’isolement d’êtres incompris. « Malheureusement, comme on le sait maintenant, la même « initiative » visant à blanchir le pays agresseur, risque de se reproduire le 8 juin » Cette capitulation amère sera sans issue. Il est, malheureusement, vain de s’imaginer que le monde entier doive plus de compassion au peuple ukrainien qu’à d’autres peuples, parce que son histoire a été tragique. A chaque événement pénible, l’ambassade fait part de sa consternation et puis elle sort des écrans. La prochaine « poutinerie », la prendra encore par surprise. Elle se fera insulter, à nouveau, par la clique Mariani. Elle aura le droit à un autre Moreira. Nous avons déjà eu l’occasion d’analyser dans le détail un état d’esprit relativement similaire, ici: « Vers une levée des sanctions?« Nous vous invitons à en prendre connaissance. Vous y trouverez une mise en perspective contradictoire de ce que vous exprimez en d’autres termes, mais le diagnostic reste le même: une compréhension un peu incomplète de ce qui se passe en France et une résignation dangereuse.
Nous avons appris, hier, la mise au vote de la résolution Pozzo di Borgo grâce à un poste Facebook de Madame Iryna Gerashchenko « MPs from Ukraine to visit French Senate before vote (08/06/2016) about lifting Kremlin’s sanctions« . Si l’on en juge par la date de votre article cette information est disponible depuis plusieurs jours. Pourquoi ne pas l’avoir fait passer plus largement? Pourquoi dans un pays, la France, littéralement noyé par la propagande poutinienne ne pas chercher, pour une fois, à anticiper? Dans notre texte mentionné précédemment,« Vers une levée des sanctions?« , nous émettions la conclusion suivante: « Si le vote du 28 avril 2016 ne sert pas de leçon en France et en Ukraine, nous pouvons déjà préparer un communiqué lors de la levée réelle des sanctions, isolant un peu plus la juste cause ukrainienne de la population hexagonale. Est-ce bien le but? Il faut agir, refuser cet attentisme et cette fatalité désastreuse. Le temps presse avant la prise de décision de l’éventuelle reconduction des sanctions, en juillet 2016. »
Nous ne pensions pas que cette conclusion serait si rapidement d’actualité. L’Ukraine doit dépasser son émotion. Elle doit faire comprendre aux populations européennes qu’elle les défend de l’expansionnisme agressif du régime de Poutine, devenu sa drogue et sa condition de survie. L’Ukraine ne doit pas traiter avec dédain les arguments économiques de ceux qui réclament la levée des sanctions, même si tout y mis dans une sorte de bouillie à laquelle la poutinosphère nous a habitués. Sa diaspora doit se mobiliser de façon pro-active et non pas réactive. Elle ne doit pas déserter le champ médiatique français. Elle doit l’occuper. L’ambassade d’Ukraine à Paris doit être à l’initiative de la conquête des cœurs français. C’est seulement avec une véritable stratégie d’information et des objectifs clairs que la société civile française, plus généreuse et moins aveugle que sa classe politique, rejoindra votre diaspora et prendra fait et cause pour l’Ukraine, au lieu de s’en éloigner. Aidez-nous à vous aider. Ensemble disons: « Kremlin, sanctions, 8 juin 2016: le Sénat français n’est pas à vendre!«
RAZOM!
Nous vous prions de bien vouloir agréer, Monsieur l’Ambassadeur, l’expression de notre considération respectueuse.
Bernard Grua, Ex porte-parole et co-fondateur bénévole du collectif No Mistrals for Putin
Vers une levée des sanctions?
L’opinion française est probablement en train de se lasser de l’Ukraine et des sanctions. Cette évolution est liée, en partie, à la puissance du lobby pro Kremlin et à ses manipulations. Néanmoins, il faut y ajouter la légèreté avec laquelle les conséquences des sanctions sont abordées du côté des partisans de leur maintien, l’absence d’information de la population française sur la situation des droits de l’homme en Crimée (comme l’a rappelé, au monde entier, la récente victoire de la chanteuse Djamala à l’Eurovision) ainsi que sur la poursuite de la guerre du Donbass. Il ne faut pas, non plus, oublier une ligne gouvernementale française peu lisible, fragilisée, qui répugne à informer et qui demain peut basculer.
Enfin, il ne faut pas sous-estimer, en Ukraine, le poids que peuvent avoir la restauration oligarchique, le caractère permanent de la corruption, le manque de réformes de la justice et les palinodies de la coalition au pouvoir, qui oeuvrent, in fine, contre la société ukrainienne et contre le maintien des sanctions.
Pour reprendre les termes d’un article cité ci-dessous, en les projetant aussi sur les rives du Dnipro, il devrait s’agir « d’une question de conscience » autant pour le Président Porochenko et ses ministres que pour les hommes politiques français.
Notre présentation s’articulera de la façon suivante
- Le vote du 28 avril 2016, un non événement?
- Une explication limitée,
- Une analyse incomplète et source de malentendus,
- Un régime ukrainien pénalisant le maintien des sanctions,
- Une France tiraillée
1. Le vote du 28 avril 2016, un non événement?
Dans un article du journal « le Monde » daté du 29 avril 2016, « L’Assemblée vote une résolution en faveur de la levée des sanctions », Hélène Bekmezian et Benoît Vitkine expliquent que, par une majorité de 55 voix sur 44, les députés français se sont prononcés pour une levée immédiate et sans contrepartie des sanctions prises contre la Russie de Poutine, en raison de l’annexion de la Crimée et de la guerre dans le Donbass. Ils indiquent que cette résolution n’à qu’une portée symbolique, mais précisent que ce symbole est de taille.

Le député Thierry Mariani, à l’origine de la proposition de résolution, s’est empressé de rendre compte à ses donneurs d’ordre du succès de sa mission en direct sur la télévision du Kremlin. Il communique largement concernant cette opération d’auto promotion sur sa page Facebook. Bien évidemment, le Front National a voté comme Thierry Mariani même s’il en garde du ressentiment, tant il craint la concurrence en ce qui concerne la reconnaissance sonnante et trébuchante du Kremlin.
Ces informations ont créé une certaine émotion assortie, finalement, d’une tentative de relativisation de la part des acteurs concernés par le maintien des sanctions.
2. Une explication limitée
2.1.Lobbyisme, l’arbre qui cache la forêt?
Le site « Oukraïnsky Tyjden » le lendemain du vote, en a donné un des points de vue ukrainiens « Лобістська арифметика. Хто у Парижі прагне зняти санкції з Росії », où Alla Lazareva fait part, dans l’urgence, de l’émotion que lui occasionne la résolution . Son texte est disponible, en version française sur le site « Stop Fake » depuis le 13/05/2016, sous la rubrique « opinions »: « L’arithmétique du lobbyisme. » Il servira de fil conducteur à notre réflexion. On y devine une bonne connaissance du milieu politique français et une fine analyste des états d’âme d’une partie de la communauté ukrainienne en France. Le diagnostic est le suivant: « ..cette résolution, qui n’a aucun caractère contraignant, est avant tout un outil de communication… créant l’illusion d’un sentiment de masse alors que seuls 55 députés ont voté en faveur du document. C’est là toute l’arithmétique du lobbying. Et la magie de ce petit nombre a justement permis aux propagandistes russes de proclamer, à tort, que Paris était pour la levée des sanctions. »
2.2. Après l’émotion, une sérénité retrouvée?
Nous comprenons relativement facilement les objectifs qui ont présidé à ce vote. Les intérêts et méthodes de Thierry Mariani, porte-parole de Vladimir Poutine à l’Assemblée nationale, sont aujourd’hui bien connus, grâce à l’ouvrage de Cécile Vaissié: « Les réseaux du Kremlin en France« . Des citoyens et électeurs français d’origine ukrainienne ont fait connaître leur préoccupation par une « Flashmob« , à Paris, le premier mai 2016.
Réagissant à chaud, Oukraïnsky Tyjden ne présente pas les arguments et les motifs invoqués par les sept députés, Asensi, Dhuicq, Giacobbi, Le Fur, Maréchal-Le Pen, Mariani, Rochebloine, qui se sont prononcés pour la levée immédiate et sans contrepartie des sanctions. Cette approche restreinte le conduit à affirmer (C’est) « un résultat qui en dit plus sur la France que sur l’Ukraine ».
Ayant pu consacrer plus de temps à la revue de l’intervention des différents députés, nous pensons qu’il faut insister sur le fait que les arguments pro-levée doivent être connus, compris et contrés, notamment ceux qui concernent des catégories socioprofessionnelles fragilisées.
3. Une analyse incomplète et source de malentendus
3.1. Un dialogue de sourds
Les partisans de la levée des sanctions présentent l’Ukraine de façon réductrice et s’appuient sur des impacts économiques français, dont l’affirmation va de pair avec une large mauvaise foi et une instrumentalisation de tout un panel de difficultés frappant certains secteurs professionnels. A aucun moment la guerre du Kremlin, pourtant cœur du sujet, n’est évoquée. De leur côté, à de rares exceptions près, les partisans du maintien des sanctions présentent, à juste titre, les malheurs, que son agressif et belliqueux voisin provoque en Ukraine. Ils évitent pourtant généralement d’aborder l’impact des sanctions sur la société hexagonale. Dans un tel brouillard, l’opinion publique française est perdue. Même conciliante, elle se rangera du côté de celui qui dispose des relais les plus puissants pour se faire entendre. Nous sommes là au cœur du problème de l’absence de réel débat et d’explication sur les sanctions.
3.2. Une interprétation trop réductrice de la position française
Même si l’apocalypse promise, contre toute logique, par Sputnik et le FN n’a pas eu lieu, à savoir entre 5 et 10 milliards de pénalités, même si les 1, 2 milliards encore annoncés par Thierry Mariani, François Asensi et Nicolas Dhuicq sont une supercherie, même si la dénonciation du contrat Mistral a évité, à la France, de perdre d’autres marchés, il faut reconnaître que cette affaire lui a coûté plusieurs centaines de millions d’euros. A ce jour, notre pays est celui qui a consenti le plus gros sacrifice financier vis a vis de la sécurité de l’Ukraine. Cet effort doit être reconnu.
L’indignation au sujet du vote du 28 avril est légitime mais elle n’est pas singulière. Nombreux sont ceux qui ont appris à s’exprimer de la sorte sur les réseaux sociaux, depuis plus de deux ans que dure la guerre de Poutine en Ukraine. Néanmoins, dans un document public, traiter ainsi une décision de l’Assemblée nationale est injuste. Cette indignation est excessive dans ses termes et quelque peu maladroite dans sa tournure. « La résolution de l’Assemblée nationale sur la levée des sanctions contre la Russie est d’abord une question de conscience pour ceux qui, ainsi, crachent sur les tombes fraîches des fils et des filles d’Ukraine morts en défendant leur patrie contre les envahisseurs. Ou plutôt, une question de leur absence de conscience. Et rien de plus. »
Avec plus de recul, cette indignation est dangereuse car insuffisante. Elle procure une trompeuse sérénité, une fois le premier choc dissipé.
3.3. Des questions qui restent ouvertes
- Comment en est-on arrivé là?
- Dès la prise de connaissance du projet de résolution Mariani en a-t-on fait savoir, aux députés, les mensonges, le parti pris et les intentions?
- A-t-on pris le soin de remercier et d’encourager les quatre députés qui se sont fermement engagés pour le maintien des sanctions?
- Pourquoi l’opinion française, si bienveillante il y a quelque temps à l’égard de Maidan, se détourne-t-elle de l’Ukraine soumise à une guerre importée?
- Comment l’opinion française est-elle informée?
- Le vote concerne-t-il seulement quelques lobbyistes ou une partie significative des Représentants du peuple français?
- Pourquoi nos Dirigeants renouvellent-ils, de façon aussi calamiteuses, les erreurs de communications de l’affaire Mistral, en faisant semblant de ménager « la chèvre et les choux » et en n’expliquant pas?
- Pourquoi a-t-il fallu attendre cette « fronde parlementaire » pour que le gouvernement, par son Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, expose, de façon détaillée, sa position concernant les sanctions?
- Finalement, l’opinion française est-elle majoritairement pour la levée des sanctions?
- Si oui, pourquoi?
- Qu’en est-il des autres pays européens?
- Que faisons-nous? Qu’allons-nous faire?
Dans le même temps, des signaux inquiétant apparaissent.
4. Un régime ukrainien pénalisant le maintien des sanctions
L’article sus-mentionné explique que le vote en faveur de la levée dit beaucoup sur la France et presque rien sur l’Ukraine. Est-ce donc seulement un problème d’une petite bande d’intrigants au pays de la baguette et du camembert, sous l’ombre « bienveillante » des matriochkas?
4.1. Une restauration oligarchique
La société civile ukrainienne est la première à souffrir de la guerre de Poutine en terme de destructions de foyers familiaux et d’équipements industriels, de paupérisation, de persécutions ethniques et religieuses en Crimée, de millions de personnes déplacées, de morts et de blessés sur le front du Donbass. La jeunesse ukrainienne instruite, indispensable au redressement du pays, qui a montré tant de courage, voit son avenir saccagé. Il ne lui reste que l’exil comme perspective. En effet, la guerre permet de « justifier » le maintien voire la restauration de l’oligarchie, fléau du régime pré-Maidan, qui a occasionné la « Révolution de la Dignité ». Aujourd’hui cette restauration oligarchique et prédatrice est utilisée contre le pays tout entier par les partisans de la levée des sanctions. Les interventions du 28 avril 2016 les invoquent sous forme de litanie.
4.2. Une permanence de la corruption et une justice non réformée
Un autre facteur de déclenchement de Maidan est celui de la corruption et d’une justice à la fois sélective et non-indépendante.
Deux ans après, aucune justice n’a été rendue sur les disparitions et assassinats des activistes d’Automaidan, sur le massacre de Marinsky lors du 18 février 2014, sur les morts et les causes de l’incendie de la Maison des Syndicats de Kyiv lors de la nuit du 18 au 19 février 2014, sur les assassinats par snipers dans la rue de l’Institut lors de la journée du 20 février 2014, sur les morts et l’incendie de la Maison des Syndicats d’Odessa le 2 mai 2014.
Chaque pays à ses propres conflits d’intérêts et ses financiers véreux qui doivent être pourchassés, l’Ukraine comme les autres. Mais compte-tenu de l’effort exigé de la part de sa population, compte-tenu des sacrifices de sa jeunesse (voir à ce titre le témoignage d’Emmanuel Graff: « Sacha H, des ailes au Maidan« ), compte-tenu de l’aide internationale demandée (les sanctions et les contre-sanctions en font partie), Kyiv se doit d’être irréprochable. Pourtant le Président Poroshenko, certains membres de son entourage et au moins un de ses nouveaux ministres figurent en bonne place dans les « Panama papers ». Le gouvernement ukrainien pourra-t-il dire comme Iatseniouk l’a fait en substance: « Vous osez nous demander des comptes, nous dont nos concitoyens meurent dans la guerre du Donbass? » Non, cette réponse n’est pas acceptable.
L’absence de progrès, voire la régression depuis les premières mesures prises en 2014, est un argument systématiquement utilisé contre l’Ukraine, comme s’il s’agissait d’un avantage concédé à la population et non pas d’une croix supplémentaire qu’elle doit porter De fait le sujet est particulièrement préoccupant, même s’il est injustement exploité par la coalition de Thierry Mariani. C’est – aussi – ce que nous dit le vote du 28 avril 2016.
4.3. Un gouvernement en perte de crédit
Enfin, les intrigues personnelles et la cacophonie gouvernementale sont un nouveau handicap, qui permet à Thierry Mariani de citer: « Un bon connaisseur de la région (qui) avouait… qu’on ne savait plus qui gouvernait à Kiev« .
Les exhortations du FMI et son refus de déblocage de certaines tranches de financement sont, eux aussi, récupérés.
Comment espérer avoir des relations avec un pays qui a un tel gouvernement? Comment pourrait-on prendre le risque de lui consentir des prêts financiers? Il vaudrait mieux lui préférer une alliance avec un pays « stable », la Russie de Poutine. Pour cela, la France devrait lever les sanctions, nous affirme-t-on.

Note, voici un commentaire laissé par un lecteur ukrainien, qui a sa place dans cet article car il apporte des précisions utiles: « … le seul point où je ne suis pas d’accord – c’est l’infographie sur les démissions. Elle met pas mal de confusion en mélangeant des ministres avec de gens de niveau équivalent à un préfet. En plus dans pour certain d’eux ces réformateurs gardent des postes de conseillers ou on même été promu comme dans le cas de George Tuka. Un bonne lecture par rapport au nouveau gouvernement: Les atouts et les faiblesses du nouveau gouvernement ukrainien«
5. Une France tiraillée
5.1. Louvoiements de Jean-Marc Ayrault
La rencontre de Jean Marc Ayrault, Ministre des Affaires Etrangères de la France, avec son homologue Russe, Sergueï Lavrov, le 19 avril 2016, a donné lieu à un article alarmant sur « Le Figaro »: « Ayrault sermonne Kiev et épargne Moscou ». Certes on peut invoquer que « Le Figaro » s’est appuyé sur la mauvaise « traduction » qui en a été faite par Interfax. Néanmoins, la déclaration exacte de Jean Marc Ayrault montre que les deux protagonistes, Ukraine et Russie, sont renvoyés dos à dos. Cela a-t-il un sens?
Thierry Mariani saute à pieds joints sur l’occasion: « Jean-Marc Ayrault, notre ministre des affaires étrangères, en visite dans l’est de l’Europe (Note: en Russie) il y a quelques semaines, aurait d’ailleurs, si j’en crois la presse (Note: parle-t-il de « Sputnik » ou du « Figaro » reprenant « Sputnik »?), tapé du poing sur la table et demandé au gouvernement ukrainien de respecter sa parole et de mettre en place ces réformes« . Comme si l’on pouvait imaginer qu’un ministre français se rende en Russie pour y tancer l’Ukraine… Cela est parfaitement grotesque mais Mariani déroule ses boniments sans que personne n’en manifeste de surprise. Il continue en entrecoupant même son discours d’un « Soyons honnêtes ».
Jean-Marc Ayrault, le 19 avril 2016, a invité Vladimir Poutine à l’inauguration de la nouvelle et très controversée cathédrale russe à Paris, en octobre 2016. Il est le premier à faire sortir le dirigeant du Kremlin de l’isolement diplomatique où l’avait conduit sa politique extérieure agressive. Pourquoi la France se compromet-elle ainsi? Quel message souhaite-t-on faire passer. Comment le citoyen français peut-il s’y retrouver?
On peut être inquiet quant à la détermination du nouveau ministre des Affaires étrangères. En quatre ans du mandat de François Hollande, dont il est proche, alors qu’il a été chef du groupe socialiste à l’Assemblée, Maire de Nantes et Premier ministre, Jean-Marc Ayrault n’a pas été capable de trouver une solution au problème de Notre Dame des Landes, le nouvel aéroport de Nantes, qui occasionne aujourd’hui violences et destructions dans cette ville. Comment peut-on espérer que Jean-Marc Ayrault pourra mettre un terme à la guerre en Ukraine, « crise » infiniment plus complexe, ayant à faire face à des interlocuteurs, Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov, beaucoup plus expérimentés et retords que lui? Tutoyer son « ami » Sergueï comme nous le découvrons avec surprise, et en contradiction avec toutes les pratiques russes, ne suffira pas à lui en assurer les bonnes grâces. Après la ZAD de Notre Dame des Landes, le Donbass sera-t-il le deuxième « conflit gelé » à mettre au « crédit » de Jean-Marc Ayrault?
5.2. Le dilemme de Minsk
On peut longuement épiloguer sur le caractère applicable ou non-applicable des accords de Minsk. La Russie en fait un préalable à la cessation des hostilités. Kyiv n’entend pas renoncer à une partie de sa souveraineté, sans un Donbass débarrassé de ses factions armées et de ses militaires russes, sans une frontière Est sécurisée, sans des élections conformes aux standards démocratiques.
Pourtant, nous devons impérativement assimiler le fait que le Secrétaire d’Etat et les quatre députés supportant le maintien des sanctions ont, tous, soulignés, qu’elles ne pourraient pas être levées avant l’application intégrale des accords de Minsk. Si nous abandonnons Minsk, nous abandonnons les sanctions.
Pour les partisans de la levée, les accords de Minsk ne sont pas mis en oeuvre par une volonté délibérée de l’Ukraine, alors que la Russie jouerait le jeu. C’est un mensonge éhonté de la part d’élus de la République, comme le prouvent les informations terrains régulières et disponibles à tous. Ces mêmes députés ajoutent que Kyiv retarde l’application des accords afin que les sanctions contre le Kremlin soient prolongées indéfiniment. Thierry Mariani: « Le paradoxe, aujourd’hui, c’est que, alors que c’est le gouvernement ukrainien qui ne les respecte pas, ces sanctions pèsent sur le gouvernement russe… nous pouvons être sûrs qu’elles seront maintenues pendant deux ans encore, le gouvernement ukrainien n’ayant aucun intérêt à ce qu’elles cessent. » Pierre Lellouche: « Le processus de Minsk est bloqué, non pas à cause de la Russie mais du fait de l’incapacité d’une classe politique ukrainienne totalement divisée et corrompue. »
L’opinion française s’y perd.
5.3. Absence d’opposition à la levée, de la part des nombreux non-votants
Le vote sur la proposition Mariani était annoncé à l’avance. Il n’a pris personne par surprise. Les députés qui n’ont pas voté contre résolution l’on fait en toute connaissance de cause. Il s’agit pour partie, au moins, d’une approbation implicite ne se limitant pas au 55 voix exprimées. L’explication qu’en donne « Oukraïnsky Tyjden » ne peut pas être exacte: « Les vacances scolaires, les grèves, les nombreuses manifestations en cours dans tout le pays, les députés ont tant de raisons de ne pas assister à une séance plénière ! Et aucune responsabilité pour leur négligence, alors que de ce vote dépend la réputation de leur pays aux yeux du monde. » Les motifs « justifiant » le vote et concernant les éventuelles retombées sur la société française n’ont pas été évoqués.
5.4. Pression de l’opinion publique
« Savez vous qu’un camembert est plus dangereux qu’un hélicoptère, qu’une carcasse de porc plus dangereuse sur le plan militaire que le spatial ? » dit Thierry Mariani en voulant nous faire croire que tout ceci est le fruit des sanctions occidentales. C’est un tour de bonneteau du camelot de Poutine. L’interdiction d’entrée de denrées comestible sur le territoire russe relève de la seule décision du Kremlin. L’embargo sanitaire sur le porc est antérieur à la mise en place des sanctions. Les autres biens alimentaires sont visés par les contre-sanctions russes. Quant à la technologie spatiale, elle intéresse trop Moscou pour qu’il s’empêche d’y recourir alors qu’il est prêt, pour sa population, à accepter des magasins vides et une envolée des prix. Le message est bien passé. Paul Giaccobi montre qu’il ne connaît rien à ce contre quoi il s’élève: « Le fait, souligné par notre collègue Mariani, que la liste des sanctions semble indiquer que le camembert était plus dangereux le spatial ».
Dans la France de Poutine, on n’est pas une contradiction et à une surenchère près. Nicolas Dhuicq: « La filière porcine a perdu au moins 150 millions d’euros ! ». Marion Maréchal-Le Pen: « L’interdiction de l’exportation de porc vers la Russie a, selon l’interprofession nationale porcine, coûté 500 millions d’euros de février à août 2014. »
La France a, pour l’instant, un régime démocratique, qui ne peut pas se comparer avec celui du pays sous sanctions. Le Gouvernement français ne pourra pas ignorer indéfiniment l’opinion publique. Nous avons un large panel de lois qui ont été votées. Elles avaient reçu un début d’application avant d’être annulées.

A ce titre, il est judicieux de se référer à l’intervention du député Marc Le Fur qui, appelé en tant que caution régionale, prétend « apporter un témoignage précis » . Il commence mal et dans la plus grande imprécision en invoquant le « fameux bateau de Saint-Nazaire destiné à la Russie ». Pour quelqu’un qui se dit attentif à ce qui se passe en Loire Atlantique, il est surprenant qu’il ne sache même pas que le « fameux bateau » est (sont) en fait deux navires d’invasion « Mistral ». S’en suit des chiffres relatifs à la filière porcine en crise cyclique de surproduction européenne, frappée de plein fouet par l’embargo sanitaire antérieur aux sanctions. Qu’à cela ne tienne tout est mis sur le dos des sanctions européennes à l’égard de la Russie. La manœuvre est malhonnête, mais elle fait mouche.

Dans ce cadre, une instrumentalisation des agriculteurs et des alliances renouées, avec le fond « bonnets rouges », pourraient provoquer la dérobade de nombres d’hommes politiques. « La Corrèze plutôt que le Zambèze », nos terroirs plutôt que le Donbass ou la Crimée, nos agriculteurs plutôt que les « Petits Russiens ». Nous avons tous en tête le récent préalable de la révolte de « l’Ecotaxe » démarrée en même temps que Maïdan. Elle a secoué l’Elysée et le Palais Bourbon. Elle les a fait reculer.
Si les forces de l’ordre se retrouvent bombardées de pommes pourries avant que les rues en centre-villes soient aspergées de lisier, que les grilles de préfectures soient arrachés par de puissants tracteurs et les bâtiments administratifs encombrés de fumier, alors il sera trop tard pour se rassurer en invoquant le fait que la levée des sanctions n’est soutenue que par 55 députés poutinophiles, définitivement passés au service de l’étranger. Cela s’est vu, cela s’est fait. Et encore, on ne citera pas ici toutes les options possibles afin de ne pas être suspecté de vouloir troubler l’ordre public, en ces périodes d’Etat d’urgence.
5.5. Electoralisme
L’année 2017, sera celle des élections présidentielles françaises. Elles seront suivies par les législatives. Outre le fait qu’un changement de majorité parlementaire, encore plus pro-Kremlin que le nouveau Président n’est pas exclure, on note, dès à présent, les nouveaux « cadeaux » du Gouvernement. Ils nous laissent craindre que cette période électorale sera propice à de nombreuses démagogies. Il ne sera plus possible de passer en force le maintien des sanctions. Quel sera le poids du malheur ukrainien dans le débat? Probablement minime.
5.6. Un nouvel arc politique aligné pro-Kremlin?
Les députés se prononçant pour le maintien des sanctions disent vouloir conserver une relation privilégiée avec la Russie alors que les partisans de la levée souhaitent « un nouveau partenariat stratégique » (François Rochebloine).
François de Rugy: « Nous allons voir un étrange arc politique voter cette résolution: notre collègue communiste, le Front national, ce qui ne me surprend pas de leur part, et Les Républicains… Nous ne voulons pas que la diplomatie française tombe dans un alignement pro-russe…. Je trouve cela très inquiétant quand on connaît la nature autoritaire du régime de M. Poutine…. Je vois bien que la question ukrainienne n’est qu’un prétexte.«
Nous ne sommes donc plus au stade du lobbying, nous en sommes à la perception de ses dividendes.
Conclusion:
Si le vote du 28 avril 2016 ne sert pas de leçon en France et en Ukraine, nous pouvons déjà préparer un communiqué lors de la levée réelle des sanctions, isolant un peu plus la juste cause ukrainienne de la population hexagonale. Est-ce bien le but?
Il faut agir, refuser cet attentisme et cette fatalité désastreuse. Le temps presse avant la prise de décision de l’éventuelle reconduction des sanctions, en juillet 2016.
Bernard Grua, Nantes
Références:
Union Européenne: “Sanctions de l’UE à l’encontre de la Russie concernant la crise en Ukraine”
Council of the European Union: “Liste des personnes et entités sujettes aux sanctions de l’UE” 15/09/2015
Wikipedia: “Embargo alimentaire russe de 2014”
ECFR : “Who pays for the sanctions on Russia? “ 05/12/2014
IRSEM: “Les sanctions contre la Russie ont-elles un effet dissuasif” janvier 2015
RFI: « Impact des sanctions sur la Russie, 26/06/2015 »
AFP: « L’UE parvient à compenser les pertes liées à l’embargo russe « 22/09/2015
Reuters: “L’UE reconduit pour six mois les sanctions contre la Russie” 18/12/2015
Politique internationale: En finir avec la République oligarchique ukrainienne, Janvier 2016
L’opinion: “L’embargo russe, cauchemar et chance de l’agro-industrie française”, 28/02/2016
Reuters: “L’UE reconduit ses sanctions contre des responsables russes et ukrainiens” 06/03/2016
Cécile Vaissié “Les Réseaux du Kremlin en France” 17/03/2016
Assemblée nationale, proposition de résolution N°3585 (Mariani) “invitant le Gouvernement à ne pas renouveler les mesures restrictives et les sanctions économiques imposées par l’Union Européenne à la Fédération de Russie” 17/03/2016
France Culture: « A Paris, une nouvelle cathédrale… pas très orthodoxe ? 31/03/2016 »
Gouvernement Diplomatie: « Conférence de presse conjointe – Propos de M. Ayrault (Moscou, 19/04/2016)«
Assemblée nationale: “Examen et vote de la résolution Mariani sur la levée des sanctions” 28/04/2016
Assemblée nationale: « Interventions des députés opposés à la levée des sanctions 28/04/2016 »
Assemblée nationale: « Interventions des députés favorables à la levée des sanctions 28/04/2016 »
Le Monde: « L’Assemblée vote une résolution en faveur de la levée des sanctions contre la Russie 28/04/2016 »
Oukraïnsky Tyjden: « L’arithmétique du lobbyisme 29/04/2016 »
Note de la FRS n°10/2016: « Les perspectives politiques et militaires des accords de Minsk , Mathieu Boulègue, 3/05/2016 »
Front National: » Sanctions contre la Russie : Les Républicains seraient-ils schizophrènes? 3 mai 2015 »
Le Monde: « Les « cadeaux électoraux » de Hollande irritent la droite, 04/05/2016«
Règlement de comptes à « Putin-Corral »
Quand les courtisans du Kremlin se dégomment entre eux

Nous avons tous en mémoire la résolution soumise, à l’Assemblée nationale, par Thierry Mariani, le 28 avril 2016, en faveur de la levée des sanctions frappant un pays dirigé par une mafia d’anciens du KGB. A son habitude, le porte-parole de Poutine au sein du Parlement français se montrait un zélé agent de l’étranger plutôt qu’un digne Représentant du peuple et des enjeux de notre pays. Nous ne reviendrons pas ici sur son discours truffé de mensonges et de manipulations. Restez connectés, un de ces prochains jours, nous nous lâcherons sur le sujet. Ce qui nous intéresse ici, c’est la bagarre pour le grisby guébiste.

Après l’alliance rouge-brun (les nazbols de Douguine & co), l’alliance rouge-blanc (les russes blancs qui virent Pro-Staline) on voit le FN voter comme les Ripoublicains (pardon la Droite Populaire), en la personne de la petite fille du borgne et de son comparse, Gilbert Collard. Le plus intéressant est qu’ils se sont fait enfumer. Et oui, quand on courre à la gamelle Poutine, la concurrence est rude et l’on n’a pas d’ami même si l’on fait partie du même cercle corrompu. (voir à ce sujet l’ouvrage de Cécile Vaissié: « Les réseaux du Kremlin en France« )
Philippe Loiseau, Louis Aliot et Mylène Troszczynski se sont donc fendus d’un communiqué, « Sanctions contre la Russie : Les Républicains seraient-ils schizophrènes ? »
« Le parti Les Républicains a montré un visage totalement absurde ce jeudi 28 avril. À l’Assemblée nationale, ils ont fait passer une résolution pour la levée des sanctions économiques imposées par l’Union européenne envers la Russie.
Pourtant, ce même jour, les eurodéputés Les Républicains ont soutenu… absolument l’inverse ! Alors qu’étaient votés les textes de décharge budgétaire à Bruxelles, les membres français du groupe PPE* (en tête desquels figurent Brice Hortefeux, Nadine Morano, Michèle Alliot-Marie ou Jérôme Lavrilleux) se sont prononcés contre un amendement proposant exactement la même mesure.
L’amendement en question, déposé par Louis Aliot, plaidait « pour la levée des sanctions imposées à la Russie de manière à négocier sans tarder la réouverture de ce marché » »…
Regardons maintenant la superbe proposition d’amendement poubelle de Louis Aliot (page 7) que les signataires mettent en référence tout en se gardant bien d’en citer le détail, fidèles à leur pratiques confusionistes:

« Relève que les conséquences de l’interdiction d’importation de produits agricoles imposée par la Russie, au milieu de l’année 2014, constituent un défi de premier plan; plaide en faveur d’une gestion plus efficace dans la phase initiale de toute mesure d’urgence afin de veiller à un ciblage correct des fonds ou, le cas échéant, au recouvrement rapide des montants illégalement réclamés; met en garde contre l’accord sur le partenariat transatlantique (TTIP), dont la mise en œuvre met en péril les normes européennes en matière de santé et d’environnement et aggraverait encore la crise de l’élevage; plaide pour la levée des sanctions imposées à la Russie de manière à négocier sans tarder la réouverture de ce marché; »
A vous de juger si on parle d’ « exactement la même mesure« .Toutefois, là n’est pas le sujet. Après tout, nous sommes habitués au discours de ces gens. Mais cela laisse présager certains « lendemains qui chantent » des insultes parmi les courtisans du royaume ubuesque des poutiniens:
« Tonton Vova, c’est nous qui sommes tes meilleurs cireurs de pompes. C’est pas eux. T’oublies pas les étrennes? Hein? Rien que pour nous!’
Bernard Grua, 05/05/2016
* Nous soulignons ici l’ironie du fait que le FN demande, à Mariani, des comptes concernant le vote du PPE. Mariani, en effet, s’est fait jeter de la Vice-Présidence du PPE suite à l’illégale excursion de Pieds-Nickelés qu’il a organisée en Crimée. On est bien dans le droit fil de la bouillie que nous sert régulièrement le FN sur tous les sujets qu’il aborde.
Bonus pour nos lecteurs, la « bande à Marion » au régime sec!
Maintenir les sanctions en abandonnant Minsk?
Les Dirigeants occidentaux subordonnent, à ce jour, la levée des sanctions contre la Russie à l’application intégrale des accords de Minsk. Néanmoins, une vaste majorité des Ukrainiens considère, que ces accords ne sont pas applicables: cessez-le feu non respecté, armes lourdes dans les zones d’exclusion, approvisionnement des « séparatistes » en argent et en munitions par Moscou, présence de militaires du rang et d’officiers généraux russes dans le Donbass, « ministères » du Donbass à Moscou etc. On peut ajouter que, dans ce climat loin d’être apaisé, la fédéralisation, de facto l’éclatement du pays, réclamée par ces mêmes accords, doit être ratifiée par un changement de constitution auquel les députés ukrainiens ne souscriront pas, par conviction ou par crainte d’un enflammement de la part de la société civile. Cette dernière a déjà consentit d’énormes sacrifices, tant en terme de vies humaines, qu’en terme de destruction de l’outil industriel de l’Est, qu’en terme de paupérisation de l’ensemble de la population et plus particulièrement des millions de civils déplacés ou précarisés. Elle ne cédera pas.
Concernant la fédéralisation ukrainienne, on mesure bien l’étrangeté de la position française. Il est difficilement envisageable d’imaginer François Hollande proposant une telle solution dans notre pays, où règne un jacobinisme qui n’a son équivalent que dans la « Fédération » de Russie. Notre gouvernement en a donné un exemple récent en se livrant à un re-découpage régional ignorant l’histoire, la culture, la langue et les situations géographiques des différentes nations qui ont constitué la France hexagonale d’aujourd’hui, en dépit de fortes mobilisations locales.
Les accords de Minsk paraissent donc être, de plus en plus, ce qu’ils ont probablement été dès l’origine: une validation d’un conflit gelé par la France et l’Allemagne, avant de pouvoir passer à autre chose, une garantie à l’égard de Vladimir Poutine que ses « conquêtes » ne seront pas remises en cause, tentant de le dissuader de poursuivre plus loin son aventure mortifère. On en a vu le « succès » immédiat avec le bain de sang deDebaltseve, où Poutine a directement impliqué son Etat-major, ses forces spéciales et ses tanks.
Il en résulte que l’on pourrait, à première vue, souscrire à l’article: The Best Ways to Help Ukraine: « Scrap the Minsk agreement, hold the line on sanctions on Russia, and keep pressuring Ukraine’s leaders to clean up corruption. » Et pourtant à sa lecture, on éprouve un certain malaise.
Que dirait le peuple américain si on lui imposait des sanctions à l’égard d’un de ses deux principaux partenaires commerciaux à savoir le Mexique, arguant notamment du fait que les droits de l’homme sont bafoués dans ce pays, largement tenu par une mafia de narcotrafiquants? En ce qui concerne la Russie, c’est une autre affaire. Le niveau des échanges entre les USA et la Russie est une très faible proportion de celui des échanges UE-Russie (103 milliards d’Euros en 2014). De plus, depuis la « crise » en Ukraine, ces échanges USA-Russie ont augmenté et non pas diminué, comme le rappelait le« Spiegel ». Une poursuite voire une aggravation des sanctions à l’égard de la Russie n’aurait que peu d’impact pour les USA. « Les conseilleurs ne sont pas les payeurs ». Ceci explique la grande liberté de parole de David J. Kramer, l’auteur, et le caractère quelque peu léger de son propos. Nous devons donc faire une lecture « européenne » de son document.
Minsk2 est un accord congénitalement entaché de très nombreuses faiblesses comme le souligne l’auteur. Il n’est pas le seul à le penser. En revanche, l’auteur ne mesure pas le caractère très fragile du consensus qu’il y a en Europe à l’égard des sanctions, notamment en raison du contre-embargo russe. La Russie était, en 2014, le troisième partenaire commercial de l’UE. L’embargo russe sur les produits alimentaire a été relativement bien supporté par l’UE d’un point de vue macro-économique. En revanche, il a été plus durement ressenti par certains pays et certaines catégories professionnelles, les acculant parfois à des situations désespérées. Ces catégories professionnelles ont une forte capacité de mobilisation. Elles sont à même de peser sur le personnel politique, habilement manœuvré par Thierry Mariani, porte-parole de Vladimir Poutine au sein du parlement français. Il nous l’a montré à l’Assemblée Nationale lors du vote, le 28/04/2016, de la résolution en faveur de la levée des sanctions. On se souvient de Marion Maréchal Le Pen invoquant, à la tribune, le sort des producteurs de pomme du Vaucluse. La détresse de ces professionnels est exploitée par le Kremlin et par ses supplétifs français. Le blocage de la société russe, l’impact de l’embargo sanitaire russe sur le porc, préalable aux sanctions, les conséquences de l’effondrement du rouble ou de la chute des revenus du pétrole sur les importations russes sont passé sous silence. A coup de chiffres maquillés, on incrimine les sanctions jusqu’à créer le bruit de fond. On retrouve un mécanisme qui est rigoureusement similaire à celui qui a été appliqué lors de l’affaire Mistral. Une simple recherche google montrera que l’essentiel de la communication sur les sanctions provient des médias pro-Kremlin. De la même façon, les articles de la presse « mainstream » reprennent régulièrement des informations issues de ces médias pro-Poutine, sans même chercher à en vérifier la véracité. Parallèlement, Moscou active tout ses relais français, voire s’en crée de nouveaux, pour obtenir la levée des sanctions, comme l’a montré Cécile Vaissié: « Les réseaux du Kremlin en France« .
L’émotion qui a suivi la destruction du vol MH17 est retombée. La poursuite des sanctions est contestée dans l’UE. Minsk reste leur dernier rempart. Le discours des hommes politiques responsables est de dire qu’elles seront maintenues jusqu’à la mise en application complète des accords de Minsk. Si comme le recommande David J. Kramer nous abandonnons la référence aux accords de Minsk, alors nous ne pourrons plus justifier du maintien des sanctions russes en Europe. Nous perdrons le seul levier qui nous reste pour contenir la politique extérieure agressive de Vladimir Poutine. Cette approche n’est pas responsable.
A mon sens, et ceci est un point de vue purement français et personnel, la poursuite des sanctions passe par une plus grande transparence auprès la société civile européenne dont il faut impérativement gagner les opinions publiques eu égard au bien fondé du maintien des sanctions. Cette affaire ne peut plus seulement être débattue entre initiés. Il est temps de sortir des louvoiements tels que ceux présentés par l’humiliante rencontre Ayrault-Lavrov du 19 avril 2016. Nos Dirigeants se doivent d’informer leurs concitoyens de ce qu’ils savent de l’implication du Kremlin dans le Donbass et de la situation des droits de l’homme en Crimée. Ils doivent expliquer clairement en quoi consistent les sanctions européennes et les contre-sanctions russes. Aux chiffres falsifiés des pro-Kremlin, ils doivent répondre par des données honnêtes, vérifiables et à jour. Une étude fine des conséquences de cette guerre commerciale doit être mise en oeuvre. Les catégories sociaux-professionnelles lésées, voire acculées, par ce contexte doivent être identifiées. Un effort de solidarité nationale doit être mis en oeuvre à leur égard. C’est grâce au consensus national, et en gardant la référence aux accords de Minsk, que l’on maintiendra les sanctions et que l’on contiendra le bellicisme du Kremlin.

