Ce courrier à la Commission européenne appelle à son intervention face à l’impossibilité de faire appliquer les sanctions portuaires de l’Union par les autorités françaises, alors que d’autres États membres les mettent en œuvre strictement. Dans ce but, il documente les escales du Shtandart à La Rochelle, sa participation à la Semaine du Golfe 2025 et le risque de nouvelles escales au printemps 2026.
No Shtandart in Europe
C/O Association Franco-Ukrainienne Tryzub
Maison de l’Europe,
90-92 Bd de la Prairie au Duc
44200 Nantes
noshtandartineurope@gmail.com
À l’attention de :
Madame Tracie Ryan
DG Fisma/ Unité sanctions
Commission européenne
Copies :
Direction générale des Affaires maritimes de la pêche et de l’aquaculture
Préfecture maritime de l’Atlantique
Préfecture de la région Bretagne
Préfecture du Morbihan
Préfecture de la Charente-Maritime
Semaine du Golfe
Presse
Objet : demande d’intervention de la Commission européenne concernant un manquement à l’exécution des sanctions portuaires en France (Morbihan et Charente-Maritime)
Le 17 décembre 2025
Chère Madame Ryan,
Le 7 août 2025, vous avez eu l’amabilité de m’adresser un courrier confirmant les attributions respectives des autorités françaises pour l’application des sanctions portuaires européennes à l’encontre du navire russe Shtandart, MMSI 518999255. L’Irlande, le Royaume-Uni, la Norvège, le Danemark, l’Espagne et le Portugal appliquent avec diligence les réglementations européennes ou nationales. Force est de constater que, en France, les mesures européennes ne sont pas appliquées avec la même rigueur par les autorités compétentes.
C’est dans ce contexte que j’appelle à nouveau l’attention de la Commission européenne.
- I. Cadre de l’application des sanctions portuaires de l’UE
- II. Traitement dérogatoire de fait accordé au navire Shtandart par le préfet du Morbihan
- III. Tolérance administrative du contournement des sanctions en Charente-Maritime
- IV. Organisation et encouragement du contournement des sanctions par la DGAMPA
- V. Risque de reprise d’escales non-conformes aux mesures restrictives en 2026
- VI. Mesures possibles pour assurer le respect des décisions de l’Union européenne et des obligations de la France
- Annexes
I. Cadre de l’application des sanctions portuaires de l’UE
Dans votre courrier, se trouvait un lien vers la présentation suivante : « Liste des autorités compétentes, conjointement ou individuellement, pour la mise en œuvre des mesures restrictives de l’Union européenne.»
Il y est indiqué que l’application des sanctions portuaires est une mission qui incombe aux préfets de département sous la coordination de la Direction générale des Affaires maritimes de la pêche et de l’aquaculture (DGAMPA).
Ces obligations sont mises en œuvre dans le Finistère, les Côtes d’Armor, l’Ille-et-Vilaine et la Manche où des arrêtés préfectoraux ont été pris. Cependant, deux départements se caractérisent par une tolérance administrative incompatible avec le régime des sanctions européennes.
II. Traitement dérogatoire de fait accordé au navire Shtandart par le préfet du Morbihan
M. Michel Galy, préfet du Morbihan, n’a pas pris les mesures nécessaires pour empêcher la participation du Shtandart à laSemaine du Golfe du 26 mai au 1er juin 2025. Nous lui avons pourtant adressé de nombreux courriers et deux propositions de rencontre. Il n’y a pas répondu. Vous trouverez en pièce jointe un exposé détaillé et documenté de cet accueil irrégulier au regard du droit de l’Union que j’ai adressé à M. Thierry Verneuil, président du directoire de la Semaine du Golfe sous le titre : « Que faut-il conclure de la participation de la frégate russe « Shtandart » à la Semaine du Golfe 2025 ? »(PJ1). Les 61 liens conduisant à des sources primaires pourraient être versés à toute procédure visant à assurer le respect du droit de l’Union.
Je vous propose également de prendre connaissance, en pièce jointe, du résultat des investigations de Mme Laetitia Jacq-Galdeano, numéro deux de la rédaction d’ Ouest-France Bretagne: « ENQUÊTE. Le navire russe « Shtandart » mène la guerre de Poutine jusque dans le golfe du Morbihan » (PJ2). Ses articles sur l’affaire Shtandart font référence dans le traitement médiatique de cette affaire. Elle est, notamment, la seule professionnelle des médias à avoir consulté nombre de sources russes sur M. Vladimir Martus, capitaine et propriétaire de facto de la frégate contrevenante.
III. Tolérance administrative du contournement des sanctions en Charente-Maritime
Pour ce qui est de la Charente-Maritime, le problème est encore plus aigu. La Rochelle est le port de base du Shtandart depuis juin 2022. Il y fait fréquemment escale. Nous avons rappelé à plusieurs reprises à M. Brice Blondel, préfet, ses responsabilités en la matière. Nous lui avons, de plus, adressé une mise en demeure, le 13 août 2025. Ces démarches n’ont donné lieu à aucune mesure effective.
Nous avons régulièrement alerté la Commission européenne sur cette divergence manifeste d’application que je détaille dans un article sur Desk-Russie du 28 septembre 2025 :« Quand le navire russe Shtandart et La Rochelle défient les sanctions européennes» (PJ3). À ce titre, nous remercions la Commission d’avoir tenu compte de nos alertes précédentes et d’avoir répondu à nos demandes, contrairement aux autorités françaises.
En Charente-Maritime, la décision PESC 2024/1744 du Conseil européen, en date du 24 juin 2024, l’ordonnance nº 2403878 du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2024 et l’arrêt nº 496439 du Conseil d’État du 18 novembre 2024 ne sont pas pris en compte. Même l’ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans l’affaire T-446/24, rendue publique le 22 août 2025, est ignorée. La préfecture se justifie ainsi que l’a rapporté le quotidien Sud-Ouest du 17 septembre 2025 :
« Au-dessus du droit européen, s’applique le droit international de la mer. Ce dernier indique qu’en cas de besoin technique ou de météo défavorable, les bateaux doivent pouvoir faire escale dans les ports à proximité. N’importe quel port est ainsi dans l’obligation d’accueillir le ‘‘Shtandart’’ en cas de besoin », relate le directeur de cabinet.
Cet exposé crée artificiellement un conflit entre le droit maritime et le droit de l’Union, alors qu’aucune contradiction réelle n’existe. En effet, il convient de rappeler que le règlement européen a bien pris en compte la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), même si le réseau du Shtandart indique qu’il n’en relève pas. Cette citation illustre de manière frappante comment le navire russe et ses soutiens instrumentalisent les textes selon leurs intérêts, rendant la justification de son accueil dans les ports français juridiquement infondée.
À La Rochelle, les accostages pour la sauvegarde de la vie humaine prévus au paragraphe 4 de l’article 3 sexies bis du règlement (UE) nº 833/2014 sont requalifiés en « escales techniques ». Elles sont tolérées en lien avec l’exploitation du navire à des fins commerciales, selon les demandes de M. Vladimir Martus. Ce dernier est le capitaine et propriétaire de fait du Shtandart. On a pu observer une augmentation significative de ses accostages, en août et septembre 2025, avant que le navire russe ne prenne la direction de l’Espagne, du Portugal, puis du Maroc.
IV. Organisation et encouragement du contournement des sanctions par la DGAMPA
La DGAMPA n’a pas pris de mesures visibles visant à assurer l’application effective du règlement de l’Union au Shtandart alors qu’elle en a normalement la charge. Le 29 janvier 2025, nous avons écrit à M. Éric Banel, son directeur général. À ce jour, cette demande n’a reçu aucune suite. Nos investigations identifient M. Banel comme interlocuteur central dans la correspondance relative à l’accueil du navire russe. Cela est illustré par un courriel qu’il a adressé au Shtandart dès juillet 2022, communiqué en pièce jointe : « Situation du SHTANDART » (PJ4).
La DGAMPA a été suivie par la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et par le Secrétariat général de la mer (SGMer). Les documents montrent que ces services ont effectivement sollicité, auprès des préfets et des autorités portuaires, l’autorisation d’accueillir le Shtandart, bien qu’ils n’aient pas de mandat pour appliquer les sanctions portuaires. Cette implication est documentée par des sources primaires dans le texte suivant, du 15 mai 2025 : « Les autorités françaises et les passe-droits du navire russe « Shtandart » ».
Conformément à l’article 4, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne, les États membres doivent assurer la mise en œuvre loyale du droit de l’Union et s’abstenir de tout acte susceptible de compromettre ses objectifs. Les éléments présentés démontrent que la non-application effective des mesures restrictives constitue un manquement à cette obligation de mise en œuvre loyale.
V. Risque de reprise d’escales non-conformes aux mesures restrictives en 2026
Les documents et échanges disponibles indiquent que les mesures restrictives n’ont pas été appliquées par les préfets de la Charente-Maritime et du Morbihan. Ils montrent également que la DGAMPA n’a pas entrepris de mesures visant à encourager la mise en œuvre des sanctions dans ces départements.
En conséquence, comme l’indique la presse, le Shtandart, actuellement en Turquie, prévoit de revenir au printemps 2026 dans les eaux françaises. Il envisage de faire escale dans les départements précités. Vous trouverez en pièce jointe un article écrit le 26 novembre 2025 par M. Paul Bohec, journaliste spécialiste de l’affaire Shtandart pour le média Le Télégramme, et intitulé «Une croisière à bord du Shtandart l’été prochain »(PJ5).Le quotidien Le Parisien et la chaîne de télévision nationale TF1 ont également fait part de ce projet.
VI. Mesures possibles pour assurer le respect des décisions de l’Union européenne et des obligations de la France
Comme je l’ai expliqué sur le Diploweb, le 25 novembre 2025, l’affaire du Shtandart ne peut pas se résumer au seul soft power russe : « Russie. Du soft power à la guerre hybride. Étude de cas d’une influence russe en Europe : le Shtandart».
Une action déterminée de la Commission européenne auprès des préfets concernés et de la DGAMPA, ou, si nécessaire, un examen du respect par l’État français de ses obligations, pourrait contribuer à garantir la pleine application des mesures restrictives. La Commission pourrait inviter les préfets concernés à prendre les arrêtés d’interdiction nécessaires dans les meilleurs délais.
Une autre option serait de s’inspirer des autorités espagnoles et portugaises. Pour mettre fin aux infractions ou aux tentatives d’infractions du Shtandart, elles lui ontinterdit l’accès à leurs eaux territoriales. Dans ce but, la Commission pourrait envisager de se mettre en liaison, directement ou par l’intermédiaire des services du Premier ministre, avec le préfet maritime atlantique.
Je reste à votre entière disposition pour tout complément d’information ou pour vous fournir des pièces additionnelles.
Je vous remercie par avance de l’action de la Commission et vous prie d’agréer, Chère Madame Ryan, l’expression de mes salutations distinguées.
Bernard Grua,
Porte-parole du collectif lanceur d’alerte
No Shtandart In Europe
Email: noshtandartineurope@gmail.com
Website: https://bit.ly/No-Shtandart
Facebook: groups/noshtandartineurope
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Annexes
Pièces jointes :
- PJ1 : No Shtandart in Europe – Que faut-il conclure de la participation de la frégate russe « Shtandart » à la Semaine du Golfe 2025 ? 13 décembre 2025
- PJ2 : Ouest-France – ENQUÊTE. Le navire russe « Shtandart » mène la guerre de Poutine jusque dans le golfe du Morbihan, 23 mai 2025
- PJ3 : Quand le navire russe Shtandart et La Rochelle défient les sanctions européennes, 28 septembre 2025
- PJ4 : DGAMPA – Email d’Éric Banel, directeur général des Affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture – Situation du SHTANDART, 15 juillet 2022
- PJ5 : Le Télégramme – Une croisière à bord du Shtandart l’été prochain, 26 novembre 2025
Liens :
- Vesselfinder – TS SHTANDART, MMSI 518999255
- Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères – Liste des autorités compétentes, conjointement ou individuellement, pour la mise en œuvre des mesures restrictives de l’Union européenne.
- Google Maps – Frigate Shtandart : Bureau du Bassin des Chalutiers, Navire Le Shtandart, Esplanade Eric-Tabarly, Quai d’Honneur, 17000 La Rochelle
- No Shtandart in Europe – Mise en demeure – demande d’arrêté préfectoral d’interdiction d’accès aux ports de Charente-Maritime pour le navire russe « Shtandart », 13 août 2025
- Desk-Russie, Bernard Grua – Quand le navire russe Shtandart et La Rochelle défient les sanctions européennes, 28 septembre 2025
- Conseil européen – Décision (PESC) 2024/1744 modifiant la décision 2014/512/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine, 24 juin 2024
- Tribunal administratif de Rennes – Ordonnance nº2403878, 11 juillet 2024
- Conseil d’Etat – Arrêt nº 496439 rejetant le pourvoi du Shtandart, 18 novembre 2024
- Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) – ECLI:EU:T:2025:807, Affaire T-446/24, Martus TV GmbH, Mariia Martus et Vladimir Martus contre le Conseil de l’Union européenne, 22 août 2025
- Sud-Ouest – La Rochelle : le « Shtandart » encore autorisé à faire escale, en dépit de l’interdiction des navires d’origine russe, 17 septembre 2025
- EUR-Lex – Règlement (UE) no 833/2014 du Conseil du 31 juillet 2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions de la Russie déstabilisant la situation en Ukraine
- No Shtandart in Europe – Éric Banel, Directeur général des Affaires maritimes, de la pêche et de l’aquaculture, partie prenante du contournement des sanctions UE par le « Shtandart » russe, 29 janvier 2025
- No Shtandart in Europe – Les autorités françaises et les passe-droits du navire russe « Shtandart », 15 mai 2025
- Article 4 du traité sur l’Union européenne
- Le Parisien – L’étrange croisière pirate en Bretagne du Shtandart, la frégate « russe » bannie en Europe, 30 novembre 2025
- TF1 – Le point K : Ce bateau russe qui inquiète les Bretons, 2 décembre 2025
- Diploweb – Russie. Du soft power à la guerre hybride. Etude de cas d’une influence russe en Europe : le Shtandart, 25 novembre 2025
- El Mundo – Expulsan de aguas españolas a un velero ruso que fondeó en Galicia sin permiso, 27 juillet 2024
- Autoridade Marítima Nacional (AMN) – Autoridade Marítima Nacional monitoriza veleiro TS SHTANDART ao longo da costa portuguesa, 24 septembre 2025



Un avis sur « Demande d’intervention de la Commission européenne concernant un manquement à l’exécution des sanctions portuaires en France (Morbihan et Charente-Maritime) »