La Commission européenne stipule : « Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations prévues dans le cadre du règlement européen 833/2014 sont les préfets de département ». C’est bien le Préfet, qui porterait l’ultime responsabilité d’une infraction au texte européen, en Seine-Maritime, s’il ne s’oppose pas aux intérêts russes du navire « Shtandart » lors de « L’Armada Rouen 2023″.
Le 26 mai 2023
Monsieur le Préfet,
La présence du navire russe Shtandart dans les ports français est une fraude aux sanctions européennes. Depuis le 28 novembre 2022, la participation à cette fraude est une infraction pénale.
Le festival « L’Armada 2023 » prévoit de recourir à la prestation commerciale du navire russe « Shtandart » à partir du 7 juin 2023. Cette activité est interdite par le cinquième volet des sanctions européennes pris à la suite des massacres russes de Boutcha.
Extrait de l’article 3 sexies bis du règlement UE n°833/2014 modifié, portant sur les sanctions à l’égard des navires russes
- …Il est interdit de donner accès, après le 16 avril 2022, aux ports et, après le 29 juillet 2022, aux écluses situés sur le territoire de l’Union à tout navire immatriculé sous pavillon russe, à l’exception de l’accès aux écluses pour quitter le territoire de l’Union…
À supposer que le « Shtandart », en dépit de ses activités de transport commercial de passagers, comme il le fera entre Caudebec et Rouen, ne relève pas de la convention SOLAS (sauvegarde de la vie humaine en mer), il n’en est pas moins concerné par nombre de conventions maritimes internationales pertinentes, permettant de définir ce qu’est un navire selon le paragraphe 3 alinéa « a » de l’article 3 sexies bis du règlement UE n°833/2014 modifié. Il est donc impossible de considérer que la frégate Shtandart, dont le pavillon d’immatriculation est celui de la Fédération de Russie, n’est pas un navire. Ajoutons que ce même navire ne peut pas être exclu simultanément des alinéas « a » et « b » du chapitre 3 de l’article 3 sexies bis précité.
Extrait de l’article 3 sexies bis du règlement UE n°833/2014 modifié, portant sur les sanctions à l’égard des navires russes
- 3. Aux fins du présent article, à l’exception du paragraphe 1 bis, on entend par navire:
- a) un navire relevant du champ d’application des conventions internationales pertinentes;
- b) un yacht d’une longueur égale ou supérieure à 15 mètres, ne transportant pas de marchandises et ne transportant pas plus de douze passagers; ou
- c) un bateau de plaisance ou un véhicule nautique à moteur au sens de la directive 2013/53/UE du Parlement européen et du Conseil…
Le règlement n° 833/2014 ne reconnaît aucune dérogation ou exclusion pour les répliques historiques, les navires-écoles, voire les navires se proclamant, depuis le 27 février 2022, « opposants » au régime russe. La présence du navire russe Shtandart dans les ports français est donc bien illégale selon le texte européen.
Le texte non signé de la DNRED (Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières) est un document principalement rédigé, dans un sens restrictif, par le président de l’association « Les Amis des Grands Voiliers », ami personnel de Vladimir Martus, capitaine-propriétaire du « Shtandart », dont il assure la promotion auprès de son réseau d’événements maritimes. Afin de tenter de donner du corps à ce papier incohérent, l’anonyme fonctionnaire de la DNRED a tenté de s’appuyer sur le fait accompli, orchestré par le directeur du port de plaisance de La Rochelle. Il se trouve que ce dernier a agi en conflit d’intérêt. Il était l’un des dirigeants de l’association « Aidons l’Ukraine 17 », présidée par un employé et/ou un prestataire de Vladimir Martus. Son association n’avait été créée, ou prise de contrôle, que dans le but « d’inviter » le « Shtandart » à La Rochelle. En juillet 2022, elle a été dissoute précipitamment suite aux questions de notre collectif. Pour terminer, l’anonyme fonctionnaire de la DNRED se défausse, une nouvelle fois, en écrivant que la DGT « ne s’est pas opposée » au fait accompli de La Rochelle. On est très loin des affirmations prétendant que le « Shtandart » a « le droit d’être présent » dans les ports français. Le texte de la DNRED n’est qu’un faux « passe-droit ».
Au-delà des sophismes endossés par la DNRED, la Commission européenne précise que la coordination générale des sanctions (page 15), en France, est assurée par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères. Le dernier mot reviendra donc au Quai d’Orsay, voire à la Commission européenne. Je mets, d’ailleurs, M. David O’Sullivan en copie de ce courrier. La Commission européenne stipule aussi (page 16): « Les autorités compétentes pour délivrer les autorisations prévues dans le cadre du règlement européen 833/2014 sont les préfets de département ». In fine, c’est bien vous, M. le Préfet, qui en portez l’ultime responsabilité en Seine-Maritime.
À ce titre, il est souligné que, depuis le 28 novembre 2022, le Conseil a ajouté la violation des mesures restrictives à la liste des infractions pénales de l’UE. Le viol des sanctions rejoint donc des crimes tels que « le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon de moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée ».
Par ailleurs, nous avons largement démontré, par des documents russes dont certains de la main de Vladimir Martus, le capitaine-propriétaire du « shtandart », que celui-ci est proche des cercles du pouvoir russe. Il en est même un représentant dûment appointé. Les résultats de nos investigations, avec leurs sources, sont disponibles en ligne. Dans un tel contexte, une fraude aux sanctions européennes en faveur des intérêts russes représentés par le Shtandart n’en est que plus contraire au droit européen et à notre intérêt national. Nous entendons dénoncer ces faits délictueux.
Notre collectif se tient entièrement à votre disposition ou à celle de votre cabinet pour de plus amples explications par courrier électronique, par téléphone ou par une réunion dans vos locaux.
Je vous prie, Monsieur le Préfet, de bien vouloir agréer l’expression de mes salutations distinguées.
Bernard Grua
Porte-parole du collectif #NoShtandartInEurope, Lieutenant de Vaisseau (R), Breton du Morbihan, navigateur féru de patrimoine maritime, cofondateur et ex porte-parole du collectif « No Mistrals for Putin », contributeur à l’ouvrage de Laurent Chamontin « Ukraine et Russie pour comprendre », contributeur à « Russia Beyond », « Ukraine Crisis Media Center », « Ukrinform », etc.