Pourquoi “Kombat-Tour” s’obstine-t-il à maintenir la croisière du “Shtandart” ?

Pourquoi “Kombat-Tour” s’obstine-t-il à maintenir la croisière du “Shtandart” ?
Malgré les sanctions européennes et l’ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 22 août 20251 confirmant leur applicabilité à la frégate Shtandart, l’agence russe Kombat-Tour maintient son projet de croisière entre La Rochelle et Saint-Malo en juin 20262.

Une décision déroutante qui soulève plus de questions qu’elle n’en résout. Faute d’informations vérifiables, seules des hypothèses peuvent éclairer cette obstination.

Le mensonge par omission

Vladimir Martus, capitaine du Shtandart, a déjà démontré sa capacité à dissimuler certains faits, y compris à ses partenaires les plus proches3.
Il a peut-être présenté, à Kombat-Tour, les passe-droits obtenus à La Rochelle4 comme la norme française, sans mentionner les interdictions préfectorales ni les refus d’escale répétés en Europe.
Une stratégie de demi-vérité qui entretient l’illusion d’une situation « régulière ».

L’espoir juridico-miraculeux

Martus semble croire que les obstacles seront levés d’ici juin 2026. Cette croyance pourrait s’appuyer sur les discours de ses avocats, Me Thierry Clerc et Me Enard-Bazire, dont les interventions confuses entretiennent délibérément le doute sur la portée des sanctions5.
En multipliant les citations juridiques hors contexte, ils tentent de faire passer une exception pour une règle. Cette rhétorique entretient un flou commode, mais contredit la lettre même du droit européen.

Des soutiens virulents et complaisants

Martus s’appuie aussi sur quelques relais français, notamment Jean-Paul Hellequin, président de l’association Mor Glaz6.
Ce dernier s’est illustré par la violence de son langage et la brutalité de ses arguments, n’hésitant pas à attaquer personnellement ceux qui critiquent le Shtandart.
Une posture qui s’inscrit davantage dans la propagande que dans la défense du patrimoine maritime.

Le chantage humanitaire, une constante

Vladimir Martus n’en est pas à son coup d’essai.
En juillet 2022, il avait déjà exigé d’accoster à Vigo, en Espagne, au prétexte qu’il transportait des enfants, alors que les autorités lui refusaient l’accès au festival « Ruta Iacobus Maris »7 8.
Ce chantage humanitaire pourrait être réédité pour tenter d’obtenir une dérogation fondée sur le paragraphe 4 de l’article 3 sexies bis du règlement UE 833/20149, détourné de son sens initial.
Il s’agit d’une tactique émotionnelle récurrente, visant à mettre les autorités devant un fait accompli moralement sensible, tout en instrumentalisant les médias et l’opinion publique.

Le rôle actif de Moscou

L’hypothèse d’un soutien politique ou financier du régime russe ne peut être écartée.
Le communiqué virulent du Consulat général de Russie, en juillet 2025, après l’interdiction du Shtandart à Aberdeen et son exclusion des Tall Ships Races, montre l’importance symbolique du navire pour le Kremlin.
La diplomatie russe s’est alors livrée à une diatribe contre le Royaume-Uni 10, révélant que le Shtandart constitue bien un instrument d’influence, non un simple voilier d’apparat.

Un outil de guerre hybride

Depuis 2022, Vladimir Martus multiplie les interviews auprès des organes de propagande russes Izvestia, Kommersant, Komsomolskaïa Pravda, RBC, Ria Novosti, RuNews24, Russkiy Mir, SPB Dnevnik, Sputnik, TASS, etc. – où il se dépeint en victime de l’ « injustice » d’une Europe bureaucratique « soumise à Bruxelles ».
Des centaines d’articles ont repris ce récit, accusant la France d’avoir perdu son indépendance11.
Ce discours s’inscrit pleinement dans la stratégie de guerre hybride12 du pouvoir poutinien, sans préjuger d’éventuelles missions additionnelles : créer la confusion, alimenter la défiance et semer le chaos13 dans les sociétés européennes.
Sous cet angle, le Shtandart n’est plus un navire-école, mais un vecteur de désinformation14.

Une incompréhension du monde occidental

L’idéologie de Kombat-Tour glorifie la force et la virilité15.
En Russie, où l’État de droit est absent, les affaires se règlent par des réseaux et des protections – les kryshas16.
Ce mode de fonctionnement pourrait expliquer l’incapacité de Martus et de ses soutiens à comprendre que, dans les démocraties européennes, la loi s’applique à tous, sans exception.
L’obstination du Shtandart relèverait alors moins de la provocation que d’une profonde incompréhension russe du cadre juridique occidental.

Un déni de réalité inquiétant

Persister à planifier une croisière manifestement illégale, après la décision de la CJUE, témoigne d’un déni de réalité.
Mais cette obstination peut aussi servir un autre but — potentiellement non exclusif : offrir au Kremlin un récit de persécution et tester la résilience des institutions européennes.
Ce qui se joue autour du Shtandart dépasse largement le folklore maritime : c’est un test de cohésion européenne face à la manipulation russe.

Bernard Grua

Ancien officier de marine, témoin de la Révolution de la dignité ukrainienne (2013-2014), cofondateur et porte-parole du mouvement international No Mistrals for Putin, fondateur et porte-parole du collectif pan-européen No Shtandart in Europe.

Notes

  1. Cour de justice européenne (CJUE) – Ordonnance T-446/24 confirmant l’interdiction de la présence du Shtandart dans les ports de l’Union européenne, 22 août 2025 ↩︎
  2. Семейный « Комбат‑тур » на фрегате «штандарт», 21–30 июня 2026 (« Kombat-Tour » familial sur la frégate « Shtandart » 21-30 juin 2026) ↩︎
  3. Michel Balique, président de l’association Amis des grands voiliers, principal architecte du contournement des sanctions européennes par le Shtandart, a ainsi affirmé, le 15 décembre 2024, ignorer qui est Dmitry Atlashkin. Il s’agit pourtant de l’homme clef à l’origine du litige de sécurité ayant provoqué la fuite du Shtandart de Russie en 2009. ↩︎
  4. Desk-Russie – Quand le navire russe Shtandart et La Rochelle défient les sanctions européennes, septembre 2025 ↩︎
  5. Me Enard-Bazire – Mémoire en réplique au tribunal administratif de Rennes, octobre 2024 ↩︎
  6. Ria Novosti – « Mor Glaz »: отказ российскому фрегату во входе в порты показал слабость Франции, juillet 2024 (« Mor Glaz » : refuser l’entrée d’une frégate russe dans les ports montre la faiblesse de la France) ↩︎
  7. Galiciapress – La fragata rusa Shtandart responde a los ucranianos que ellos también son perseguidos por el Kremlin, juillet 2022 ↩︎
  8. Galiciapress – Refugiados de Ucrania denuncian al Puerto de Vigo por violar las sanciones a Rusia, juillet 2022 ↩︎
  9. Conseil européen – Article 3 sexies bis du règlement (UE) n° 833/2014 ↩︎
  10. TASS – Russia’s Consulate General slams banning frigate Shtandart from entering Scottish harbor, juillet 2024 ↩︎
  11. Dossier : Vladimir Martus, les organes de propagande et la presse russe ↩︎
  12. Ouest-France – ENQUÊTE. Le navire russe « Shtandart » mène la guerre de Poutine jusque dans le golfe du Morbihan, mai 2025 ↩︎
  13. RFI – Russie : la stratégie du chaos, octobre 2022 ↩︎
  14. Desk Russie, Mykola Riabtchouk – Pourquoi la culture cesse d’être un « soft power » en temps de guerre, mars 2024 ↩︎
  15. Комбат-тур на фрегате «Штандарт» | Отчёт, 2018 (“Kombat-tour” sur la frégate « Shtandart » | Rapport) ↩︎
  16. Global Informality Project – Krysha, mai 2020 ↩︎

Lire aussi

Page de Kombat-tour

Kombat-Tour

Analyse du programme Kombat-Tour : croisière prévue sur la frégate russe Shtandart, illégale en Europe selon la CJUE. Risques juridiques et sécuritaires

Keep reading

Autres articles sur Kombat-tour

Publié par Bernard Grua

Graduated from Paris "Institut d'Etudes Politiques", financial auditor, photographer, founder and spokesperson of the worldwide movement which opposed to the delivery of Mistral invasion vessels to Putin's Russia, contributor to French and foreign media for culture, heritage and geopolitics.

Un avis sur « Pourquoi “Kombat-Tour” s’obstine-t-il à maintenir la croisière du “Shtandart” ? »

Laisser un commentaire