Les réparations menées à Brest sur les super méthaniers brise-glace livrant le gaz russe de Yamal sont elles légales ?

Les réparations menées à Brest sur les super méthaniers brise-glace livrant le gaz russe de Yamal sont elles légales ?
Deux articles récents ont soulevé des questions quant à la légalité des réparations menées par le chantier Damen, à Brest, sur les méthaniers brise-glace russes livrant le gaz naturel liquéfié (GNL) de Yamal. Voici l’état de mes connaissances à ce jour sur ce sujet complexe. Les réflexions et les informations complémentaires des lecteurs sont les bienvenues.

Articles de références

Le Télégramme 15/12/2024 – « Légal, mais parfaitement immoral » : ces navires au service de la Russie accueillis à Brest. Le texte de l’article est aussi en pièce jointe.

Disclose 22/10/2024 – Brest : les discrètes réparations des navires qui livrent le gaz russe à travers le monde.

Le texte suivant est principalement un extrait d’un article plus développé.

Ne pas confondre le cas du Shtandart avec les transports de GNL réparés par le chantier Damen de Brest

Tout d’abord, rappelons que le navire russe Shtandart, aujourd’hui sous pavillon de complaisance, est interdit dans les ports français depuis le 16 avril 2022. Cette interdiction portuaire a été confirmée par le Conseil européen, le 24 juin 2024.

Commission européenne : Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
Courrier de la Commission européenne

Cette interdiction portuaire a aussi été confirmée par des arrêtés préfectoraux de l’été 2024 (Finistère, Manche et Ille-et-Vilaine), par une ordonnance du tribunal administratif de Rennes, le 11 juillet 2024, et par un arrêt du Conseil d’Etat, le 18 novembre 2024.

Le collectif « No Shtandart In Europe » ne fait que demander, depuis juin 2022, l’application de la loi.

L’importation du GNL russe est légale.

Malheureusement, l’importation du gaz naturel liquéfié (GNL) russe est légale en ce qui concerne l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne. Ce sont les transbordements et les réexportations vers les pays tiers qui sont interdits. Le 14e volet des sanctions l’a, hélas, rappelé. À ce titre, nous ne pouvons que conseiller, à ceux qui voudraient s’exprimer pertinemment sur le sujet, de lire la Décision PESC – 2024/1744 et le Règlement (UE) 2024/1745.

(10) La Russie tire d’importantes recettes de la vente et du transport de gaz naturel liquéfié (GNL). La décision (PESC) 2024/1744 interdit les services de rechargement sur le territoire de l’Union aux fins d’opérations de transbordement lorsque ces services sont utilisés pour transborder du GNL russe, sauf lorsque ces transbordements sont à destination des États membres.

Ladite interdiction s’applique à la fois aux transferts de navire à navire et aux transferts navire-terre, ainsi qu’aux opérations de rechargement. Les services accessoires en lien avec ces transbordements sont également interdits.

L’interdiction n’a pas d’incidence sur les importations dans l’Union ni sur la sécurité d’approvisionnement des États membres. La Commission devrait suivre l’évolution de la situation en matière de GNL liée à l’interdiction et en rendre compte au Conseil, et proposer des mesures d’atténuation en cas de développements importants dans ce domaine.

Considérant (10), Règlement (UE) 2024/1745 du 24/06/2024

3. Par dérogation aux interdictions énoncées aux paragraphes 1 et 2, les autorités compétentes peuvent autoriser les services de rechargement aux fins d’opérations de transbordement de gaz naturel liquéfié relevant du code NC 2711 11 00, originaire de Russie ou exporté de Russie, si un tel rechargement est nécessaire à son transport vers un État membre et si cet État membre a confirmé que le transbordement sert à assurer l’approvisionnement énergétique dans ledit État membre.

Paragraphe 3 de l’article 3 novodecies , Règlement (UE) 2024/1745 du 24/06/2024

La présence des navires de transport du GNL russe peut-elle être interdite ?

Dans l’immédiat, nous ne voyons guère comment il serait, aujourd’hui, légalement possible de s’opposer aux travaux effectués chez Damen Brest sur les méthaniers russes. Il ne resterait, à notre avis, que trois options :

  1. Prouver qu’ils sont encore sous pavillon russe. Alors l’application du paragraphe 1 de l’article 3 sexies bis du Règlement (UE) n° 833/2014 pourrait être invoquée ;
  2. Prouver qu’ils ont échangé leur pavillon russe contre celui d’un autre pays après le 24/02/2022. Alors l’application du paragraphe 2 de l’article 3 sexies bis du Règlement (UE) n° 833/2014 pourrait être invoquée ;
  3. Montrer qu’ils figurent parmi les navires listés à l’annexe XLII du Règlement (UE) n°833/2014.

En disposant de capacités d’investigation qui n’appartiennent pas à un collectif relevant de la société civile, il faudrait, peut-être, vérifier que les dits navires ne sont pas la propriété de personnes ou d’entités listées dans le Règlement (UE) n° 833/2014 ou qu’ils ne transportent pas, en plus du GNL, des biens interdits par le même Règlement (UE) n°833/2014.

Le GNL, nerf de la guerre génocidaire russe

Nicolas Tenzer 2 : Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
9 mars 2022, on ne parle toujours pas de Montoir
Ouest France : Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
11 mars 2022, « No Mistrals for Putin » FB
No Mistrals for Putin : Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
15 mars 2022 Couverture de « No Mistrals for Putin » FB

Le gaz de Yamal hante l’esprit de ceux qui se préoccupent des ressources finançant les massacres en Ukraine. Le 26 septembre 2024 après avoir conduit dans ce pays martyr la quatrième ambulance acquise par l’association Tryzub de Nantes, j’ai rencontré, une nouvelle fois, Serhiy Kiral. Le premier maire adjoint de Lviv m’expliquait que les Russes avaient déjà démoli 80 % du potentiel de production d’électricité d’origine thermique du pays. Sa ville essayait de construire des micro-centrales pour tenter de faire face à un hiver qui s’annonçait très difficile pour la population.

Nantes : troisième ambulance envoyée en Ukraine par l'association Tryzub, février 2023 - Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
Nantes : troisième ambulance envoyée en Ukraine par l’association Tryzub, février 2023
Frontière polono-ukrainienne : quatrième ambulance envoyée en Ukraine par l'association Tryzub, 23/09/ 2024 - Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, gaz russe de Yamal
Frontière polono-ukrainienne : quatrième ambulance envoyée en Ukraine par l’association Tryzub, 23/09/2024

Serhiy Kiral m’exposait qu’ils recevaient l’aide d’entreprises françaises, dont Elengy. À sa grande surprise, je lui ai dit que cette même entreprise versait des milliards à Moscou, lui permettant de payer les bombes ainsi que les missiles qui détruisent les équipements civils et mutilent ou tuent ses compatriotes. Nous avons convenu que, plutôt que de jeter des miettes aux victimes de son fournisseur, à des fins de communication et de blanchiment, Elengy devait immédiatement stopper ses achats de gaz russe. Mais, en France, le bailleur de fonds des mortifères ravages russes peut être tranquille, il n’y aura aucune pression. Trop naïfs, nous ne sommes pas assez méfiants à l’égard de l’hypocrisie de ceux qui ont des intérêts russes et qui affichent un « soutien à l’Ukraine ». Vladimir Martus et ses supplétifs français l’ont fort bien compris.  

Que pouvons-nous faire ?

Nous devons pouvoir nous consacrer pleinement à la lutte contre le GNL russe, particulièrement au terminal GNL d’Elengy, à Montoir-de-Bretagne.

Michel Balique - Terminal GNL d'Elengy à Montoir-de-Bretagne sur l'estuaire de la Loire
Terminal GNL d’Elengy à Montoir-de-Bretagne sur l’estuaire de la Loire
Amis des Grands Voiliers, Terminal GNL d'Elengy à Montoir-de-Bretagne sur l'estuaire de la Loire
Terminal GNL d’Elengy à Montoir-de-Bretagne sur l’estuaire de la Loire

Dans ce but, il est urgent de mettre fin dans les plus brefs délais à la fraude du Shtandart. Nous avons fait des propositions en ce sens.

Si la collaboration française devait se poursuivre, comme à La Rochelle, ou si le navire russe devait participer à des festivals maritimes en 2025, on ne peut pas exclure l’intervention de partisans ukrainiens qui apporteraient une conclusion sans résurgence possible à cette affaire scandaleuse. Cela m’a été annoncé, en octobre 2024, à Lviv et à Kyiv, notamment à l’occasion de mes conférences sur ce sujet.

La publication du 15/12/2024 sur Le Télégramme, un média grand public à fort impact régional, est une aide précieuse en termes de mobilisation. Mais la campagne s’avère très complexe. Voici quelques réflexions rapides, qui ont pour objectif de provoquer un débat en vue de les approfondir et d’établir un plan d’action commun.

Il faudrait faire changer la réglementation européenne de manière à interdire les approvisionnements russes de GNL. Pour cela, il est nécessaire d’obtenir l’accord des 27 états membres de l’Union. On en est loin. Il est peut-être possible de trouver des sources d’approvisionnement alternatives, mais d’autres problèmes peuvent survenir. En France par exemple, 50 % des réserves d’hydrocarbures de Total se trouvent dans la Fédération de Russie. Les passer par pertes et profit pourrait provoquer la ruine du groupe. Or, Total est « too big to fail ». Notre gouvernement ne cédera probablement pas.

Il faudrait faire changer la réglementation européenne de manière à interdire la réparation des transporteurs de GNL russe. Est-on prêt à en supporter le coût social ? Rien que pour Damen Brest, on parle de 200 emplois. Qu’en est-il des autres pays de l’Union ?

Cela ne doit pas nous empêcher de mener campagne pour cette double interdiction. Le coût financier en serait de toute façon sans commune mesure avec le coût humain supporté par l’Ukraine et vraisemblablement largement inférieur au coût que représente le soutien à l’effort de guerre ukrainien par l’UE. D’autant plus si on y incorpore l’aide humanitaire et la participation future à la reconstruction.

On peut aussi souhaiter que l’Ukraine dispose rapidement de missiles à très longue portée permettant de détruire Yamal LNGArctic LNG 2 et Vysotsk LNG, les terminaux russes de chargement de GNL (LNG en anglais) et d’en empêcher l’accès.

Amis des Grands Voiliers, Michel Balique, Shtandart, terminaux GNL
Terminaux LNG russes hors Sakhaline (Extrême-Orient)

Article du Télégramme, 15/12/2024

Méthanier mentionnés ici

LNG Merak, Hong Kong, https://www.marinetraffic.com/en/ais/details/ships/shipid:5976010/mmsi:477345800/imo:9834301/vessel:LNG_MERAK

Nikolay Urvantsev, Hong Kong,
https://www.marinetraffic.com/en/ais/details/ships/shipid:5916071/mmsi:477327300/imo:9750660/vessel:NIKOLAY_URVANTSEV

Eduard Toll, Bahamas
https://www.marinetraffic.com/en/ais/details/ships/shipid:5197749/mmsi:311000548/imo:9750696/vessel:EDUARD_TOLL

Vladimir Voronin, Bahamas
https://www.marinetraffic.com/en/ais/details/ships/shipid:5870780/mmsi:311000632/imo:9750737/vessel:VLADIMIR_VORONIN

Nikolay Yevgenov, Bahamas
https://www.marinetraffic.com/en/ais/details/ships/shipid:5832642/mmsi:311000631/imo:9750725/vessel:NIKOLAY_YEVGENOV

Bernard Grua

  • Porte-parole du collectif international lanceur d’alerte « No Shtandart In Europe »
  • Conférencier, spécialisé dans les méthodes de propagande russe
  • Coordinateur du forum des associations ukrainiennes de l’Ouest
  • Membre du comité ayant obtenu l’annulation du festival cinéma russe de Nantes, “De Lviv à l’Oural”, en mars 2022.
  • Bénévole à l’association franco-ukrainienne “Tryzub” de Nantes
  • Contributeur à l’ouvrage géopolitique de Laurent Chamontin (Diploweb): « Ukraine et Russie pour comprendre » ainsi qu’à “Informnapalm”, « Ukrinform » et « Ukraine Crisis Media Center »
  • Cofondateur et ex porte-parole du collectif international « No Mistrals for Putin »
  • Photographe de la révolution du Maïdan
  • Ancien auditeur financier
  • Ancien officier de Marine
  • Diplomé de l’Institut d’études politiques de Paris

Publié par Bernard Grua

Graduated from Paris "Institut d'Etudes Politiques", financial auditor, photographer, founder and spokesperson of the worldwide movement which opposed to the delivery of Mistral invasion vessels to Putin's Russia, contributor to French and foreign media for culture, heritage and geopolitics.

Laisser un commentaire