« Hay qué precioso lo del flamenco!! »

Séville, photo Bernard Grua

Madrid, l’héritière infortunée

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Metropolis, Madrid

Passer une semaine, en février, à Madrid est une perspective agréable. Toutefois, Madrid, en tant que capitale, n’a pas de chance. Barcelone est une ville de taille équivalente. Elle est bordée de plage. Elle a un patrimoine architectural très supérieur. Le « Bari Gotic » est le centre médiéval le mieux conserve d’Europe. A la fin du XIXème, Madrid a tenté de se donner un lustre capital dans une architecture « pompier » que l’on retrouve partout, y compris sur le « Ring » de Vienne.

Barcelone s’est lancée dans l’Art Nouveau. Il y a Gaudi. Mais il n’y a pas que Gaudi. Séville a été la capitale de l’Espagne avant Madrid. Séville est la vraie ville du Siècle d’Or espagnol. Séville rayonne de sa culture andalouse, de ses richesses sud-américaines et de son héritage arabe. Y marcher est un émerveillement permanent. Tout y est beau et différent d’ailleurs. Madrid, surchargée de pierres et de marbres noirs, fait bien grisâtre a coté. Il faut parler aussi de Grenade, la « petite » ville.

Palais de l'Alhambra, Grenade
Palais de l’Alhambra & Sierra Nevada, Grenade

Oui, mais la capitale du dernier royaume andalou. Chaque porte poussée, chaque mur, chaque nom de rue le rappelle. Grenade est une ville construite sur des collines. Elle est « scénique ». Chaque point de vue est un tableau. Dans ce tableau, il y a toujours un grand bout de l’Alhambra, un palais d’une beauté et d’une architecture sublime.

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Hotel de ville, Séville

Alors que voir à Madrid? Rien avant la Porta Del Sol. Entre la Porta del Sol et le palais royal, il y a quelques bâtiment qui valent la peine. Le soir, j’y déambulais avec mon appareil photo. Je me suis un peu attardé autour de la Plazza Mayor, construite au XVIIème siècle par, dit-on le même architecte que celui de l’Escorial. Si on le dit… Heureusement, j’ai appris qu’il se jouait au théâtre de l’Arenal un spectacle au titre prometteur: « Flamenco con Arte ». Malgré un billet pris au dernier moment, j’ai pu avoir un siège très bien place. Cela aurait du me mettre « la puce a l’oreille ». En guise de spectateurs, peu nombreux, il y avait une majorité de touristes français. C’est à dire des gens aussi naïfs que moi. Les pauvres malheureux applaudissaient docilement dès qu’il le fallait. Je n’en ai pas ressenti le besoin. Les chanteurs avaient des chemises froissées. Leur ventre en distendait le tissu entre les boutons. Je les aurais bien croisés dans mon immeuble lorsque je descends les poubelles. Les danseurs, les fabuleux danseurs de flamenco aux costumes si gitans, si flamboyants, ils étaient là? Que nenni! J’ai vu deux employés de bureau aux costumes de petits fonctionnaires. Le pire était l’entrejambe qui leur arrivait presque au genoux. Heureusement qu’ils ne dansaient pas le vrai flamenco, sinon tout aurait craqué. Que dire des flamencas? Etaient-elles bonita, guapa ? C’était un groupe de voisines de palier. Tout juste si leurs robes n’étaient pas faites de l’étoffe des tabliers avec lesquels on épluche les poireaux. Elles auraient pu garder leurs bigoudis. Cela n’aurait pas dépareillé. Si encore elles avaient su danser. Les mouvements d’ensemble étaient si mal coordonnés que les figures ressemblaient plutôt aux gestes désespérés et désordonnés des passagers de la « nef des fous ». « Flamenco con Arte », disaient-ils. D’accord, à condition d’enlever « Arte ». Là, on comprend vraiment ce qu’était ce spectacle, au sens français du terme. Apres une demi-heure de cette soupe je me suis levé et je suis sorti. Cela a eu le mérite de distraire les musiciens qui s’ennuyaient passablement.

Le samedi 21 février au matin, avant de prendre mon avion, je suis allé me promener au parc du Retiero. C’était beau et paisible. Arrivé tôt, j’ai vu un peu de givre sur les pelouses. Au fur et à mesure que les Madrilènes arrivaient pour faire leur jogging, pour promener leur chien ou pour faire de l’aviron sur le lac, le ciel bleu et pur a tenu ses promesses. Doucement, l’air s’est réchauffé pour atteindre les 15 degrés. Une belle matinée. Un joli parc aussi. Sauf que cela ne suffit pas. Si l’on achète un guide de Madrid, j’en ai consulte un bon nombre, on voit que plus de la moitie de leurs pages parlent d’autre chose. On y décrit l’Escorial, Tolède, Ségovie et d’autres endroits remarquables. Madrid, l’héritière infortunée n’est pas la ville la plus incontournable d’Espagne. En février, elle est, malgré tout, infiniment plus réjouissante que toute citée germanique.

Le dimanche 22 février, j’étais à Wiesbaden, en Allemagne. Il ventait et tombait de la neige fondue. La parade du carnaval a apporté une couleur bienvenue. Puis vers Nuremberg, Stuttgart, Heidelberg et Francfort, j’ai eu l’impression de progresser dans un long tunnel obscur.

L’Andalousie flamboyante

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Maria Arias, Casa de la Memoria, Séville
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Torre del oro, Seville

Samedi 28 février, j’ai quitté l’austère et calme Francfort pour l’incomparable Séville. A peine arrivé, je suis allé à la Casa de la Memoria voir un spectacle de flamenco, de talentueux jeunes artistes. Je suis retourné le lendemain soir au même endroit. Sans que le spectacle soit aussi bon, cela restait de bonne qualité. Entre temps, dimanche, je me suis un peu promené dans les rues et les jardins. Cette année, je n’ai pas visité de monument, à part le musée des Arts et Traditions populaires. Une rue, la calle Cuna, déclencha mon enthousiasme. Je n’ai rien vu de tel en Europe. Elle regorge de trésors locaux. C’est la Mecque des flamencas : tissus de toutes sortes, éventails, chapeaux, colliers, peignes châles, sacs, accessoires coordonnés. Il faut y courir avant que la mondialisation ne la transforme en nouvelle calle Sierpes. Un photographe accompagné de son modèle pourrait y trouver tout ce dont il rêve avant de l’immortaliser dans les rues du Barrio de Santa Cruz, aux Alcazars Réales, sur les bords du Guadalquivir, à Triana, sous la Giralda ou la Torre Del Oro. Voilà le rêve que je faisais en déambulant dans la tiédeur d’une belle soirée pré-printanière. J’espère pouvoir le réaliser un jour.

Lundi, en train entre Séville et Cadiz, j’ai traversé un pays presque noyé. Mais le paysage de lagunes et de salines était intéressant. Cadiz, ville construite sur une presque ile bordée de plages de sable blanc et pleine de constructions charmantes, renvoie certaines stations balnéaires exotiques aux poubelles du patrimoine. D’autant qu’on y voit aussi beaucoup de palmiers et d’orangers. Cet endroit est façonné par l’histoire. Je n’en ai guère profité. Le temps était maussade et limité. Puis cela s’est dégagé et je suis parti vers Malaga.

Nous avons longé la côte, le long de la pointe sud-ouest extrême de l’Europe, a travers une Andalousie que je n’avais jamais vue aussi verte. Beau contraste avec un pur ciel bleu. Les plages de Tarifa sont magnifiques et non construites. La vue sur le détroit de Gibraltar et les côtes marocaines était sublime. Quant au rocher de Gibraltar, je l’ai contemplé avec bonheur, pour la première fois. C’est un lieu tellement emblématique, même si en parler fâche nos amis espagnols.

Après Malaga, je suis arrivé en fin de soirée à Valencia. Air Berlin avait encore perdu mon bagage. Il a du s’égarer à Palma de Mallorca comme lors de mon trajet Francfort-Séville. Repartant le lendemain à Palma, je risquais de croiser mes vêtements et mes affaires de toilette en l’air… Mon bagage serait à Valencia quand je serais à Palma!

Etape surprenante aux Baléares

La Seu, Barcelona
La Seu, Palma de Mallorca
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Palma de Mallorca

Le vendredi 6 mars, je me disais qu’il était bien agréable de passer trois nuits au même endroit. J’étais toujours à Palma, dans l’hôtel où j’étais arrivé jeudi soir. Ma chambre se situait au huitième étage. Elle dominait la vieille ville. De ma fenêtre tournée vers l’est, je voyais la cathédrale et le palais des rois de Majorque. A coté de cette fenêtre, une porte vitrée permettait d’accéder à une petite terrasse personnelle, d’où j’avais une vue à 270 degrés. J’y respirais. Je pouvais voir la mer toute proche, à toute heure. La porte était ouverte et le soleil réchauffait la pièce. Au-dessus, le ciel était d’un pur « azul ». De ce côté là, la lumière du soir dorait les pierres et les toits de tuile. Si je me penchais un peu, j’apercevais les rues étroites qui, avec leurs lampadaires allumés, faisaient comme des ruisseaux de couleur qui serpentaient.

En sortant de ma chambre, si je traversais le couloir, j’arrivais sur une grande terrasse. Elle était tournée vers l’ouest. De là aussi on avait une vue à 270 degrés. Elle était prévue pour les bains de soleil. C’était un peu tôt dans la saison. Je n’y ai croisé personne. Donc elle m’appartenait totalement. J’y allais régulièrement. Au lever du soleil, c’est de là qu’il fallait admirer l’architecture de la ville. Les ombres étaient tranchées mais la lumière n’était pas top dure. On avait une bonne impression de volume et de relief. En fin de journée, lorsque l’éclairage public venait de s’allumer, le ciel présentait de beaux dégradés bleus, rouges et orangers.

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Palma de Mallorca

Ce samedi, j’ai déjeuné avec une Russe établie en Andalousie. Elle devait me faire visiter la ville et m’en montrer les beaux endroits. Je me réjouissais de bavarder avec quelqu’un d’autre que ceux que je vois depuis trois semaines. Il me fallait un peu changer d’air. Finalement cette rencontre s’est montrée assez différente de ce que je pouvais envisager. Encore une jeune russe attirée comme une luciole par les artifices de l’occident, et les phantasmes de réussite matérielle que cela suscite parfois dans son pays. Rien à apprendre sur Majorque, si ce n’est le récit de soirées interminables et de gueules de bois à répétition. Superficielle, elle était, malgré tout, gentille et spontanée. Elle m’en a dis un peu plus sur la façon de raisonner de ses compatriotes. Cela m’a partiellement éclairé sur les trois personnes que j’avais côtoyées au cours de mon précédent voyage. J’ai aussi entraperçu un monde où les faux passeports, les fausses attestations et les bakchichs permettent une immigration illégale. Comme me l’expliquait mon interlocutrice, il suffit de payer, cher. Alors, il faut beaucoup d’argent. Pour cela, que faire quand on est jeune, que l’on n’a pas de diplômes, ni d’expérience ? Mariée, par intérêt, à dix-neuf ans à un riche anglais; divorcée depuis lors ; cette ex poupée-barbie de 23 ans, déjà usée, avait précocement brulé tous ses feux. Ne l’attendait plus qu’une lente descente vers la déchéance. Un jouet brisé, jeté dans le fossé. Remerciant pour notre fructueux échange, j’ai poliment décliné sa proposition de sortir en discothèque avec ses « amis ».

Le lendemain, en milieu de journée, je suis reparti en Allemagne avec des semelles de plomb: Düsseldorf, Bonn, Müllheim, Münster, Hanovre, Hambourg et Berlin, cap vers le nord-est, sous la pluie, sous le vent et dans le froid. A la mi-mars, on y est encore en hiver. Que notre Europe, si petite, est contrastée !

© Auteur: Bernard Grua– Mars 2009

Publié par Bernard Grua

Graduated from Paris "Institut d'Etudes Politiques", financial auditor, photographer, founder and spokesperson of the worldwide movement which opposed to the delivery of Mitral invasion vessels to Putin's Russia, contributor to French and foreign media for culture, heritage and geopolitics.